Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/191

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en la vérité de sa mission, et avec la plus vive espérance de la terminer heureusement. Mais il n’en était pas de même de tous ceux qui devaient le suivre. Leur esprit avait quelquefois chancelé, à mesure que les préparatifs du départ avançaient, et le dernier mois les avait vus tantôt impatients de partir, tantôt accablés de doutes et d’inquiétudes. Il y avait des jours que l’espoir rendait brillants, mais le plus grand nombre étaient marqués par le découragement, d’autant plus que les appréhensions des mères, des femmes, et de celles qui prenaient aux marins sur le point de partir un intérêt non moins tendre, quoiqu’elles ne l’avouassent pas aussi ouvertement, se joignaient à la méfiance qui les agitait eux-mêmes. L’or était sans contredit le grand objet de leurs désirs, et dans certains moments les mines inépuisables et tous les trésors de l’Orient s’offraient comme des visions à leur imagination ; et l’on n’aurait trouvé personne plus empressé qu’eux-mêmes à prendre part à cette entreprise mystérieuse, plus disposé à risquer sa vie pour la faire réussir. Mais ces dispositions n’étaient que passagères, et, comme nous venons de le dire, le découragement était le sentiment le plus commun parmi ceux qui allaient s’embarquer. Ce sentiment augmentait la dévotion de ces hommes agenouillés devant l’autel, tout en jetant sur les cérémonies de l’Église quelque chose de lugubre qui pesait sur presque tous les cœurs.

— Nos gens ne paraissent pas très-enjoués, señor amiral, dit Luis en quittant l’église avec Colomb, et, s’il faut dire la vérité, on désirerait partir, pour une expédition si importante, entouré de cœurs joyeux et de physionomies riantes.

— Vous imaginez-vous donc, Señor, que celui qui a le visage le plus joyeux soit doué du courage le plus ferme, ou que le cœur soit faible parce que les traits sont sérieux ? Ces honnêtes marins pensent à leurs péchés, et désirent sans doute qu’une si sainte entreprise ne soit pas souillée par la corruption de leur cœur, mais qu’au contraire elle soit purifiée par leur désir d’obéir à la volonté de Dieu. J’espère, Luis, — car l’habitude d’être ensemble avait inspiré à Colomb pour le jeune comte une sorte d’intérêt paternel qui rapprochait la distance que le rang mettait entre eux ; — j’espère, Luis, que vous sentez aussi quelques-uns de ces pieux désirs ?

— Par saint Pédro mon nouveau patron ! señor amiral, je pense plus à Mercédès de Valverde qu’à toute autre chose de cette