Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/233

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Ce fut contre de semblables difficultés que le grand navigateur eut à lutter après un si grand nombre d’années employées à solliciter les faibles secours au moyen desquels il préludait à une des plus sublimes découvertes qui aient jamais couronné les entreprises des hommes.

Arrivés à Gomère le 2 septembre, les trois bâtiments y restèrent quelques jours pour achever de se radouber, et pour prendre des provisions avant de quitter définitivement les demeures de l’homme civilisé et ce qu’on pouvait considérer alors comme les limites du monde connu. Dans un siècle où les moyens de communication étaient si rares, qu’en général les événements s’annonçaient d’eux-mêmes, l’arrivée d’une telle expédition avait produit une forte sensation parmi les habitants des îles où nos aventuriers avaient touché. Colomb était reçu partout avec de grands honneurs, non seulement à cause du rang auquel les deux souverains l’avaient élevé, mais encore à cause de la grandeur et du caractère romanesque de son entreprise.

Dans toutes les îles de ces parages, Madère, les Açores, les Canaries, une croyance générale s’était répandue qu’il existait un continent à l’ouest. C’était une illusion singulière, commune à tous les habitants ; et l’amiral eut occasion de la découvrir pendant sa seconde visite à Gomère. Parmi les personnes les plus distinguées qui se trouvaient alors dans cette île, était doña Inez Péraza, mère du comte de Gomère. Elle recevait beaucoup de monde, non seulement parmi les habitants de cette île, mais encore une foule de personnes venues de plusieurs autres lieux pour lui faire honneur. Elle accueillit Colomb d’une manière conforme à son rang d’amiral, et admit dans sa société ceux de ses compagnons qu’il lui présenta comme étant dignes de cet honneur. Bien entendu que le prétendu Pédro de Muños ou Péro Gutierrez, comme on l’appelait alors indifféremment, était de ce nombre.

— Je suis charmée, don Christophe, lui dit un jour doña Inez, que Leurs Altesses aient enfin accédé à votre désir de résoudre ce grand problème, non seulement pour notre sainte Église, qui, comme vous le dites, a un si grand intérêt à votre succès, pour l’honneur de nos deux souverains, — les avantages que l’Espagne en retirera, — enfin pour les nombreuses et si importantes considérations dont nous avons parlé dans nos entretiens, — mais encore à cause des dignes habitants des îles Fortunées,