Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/236

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offrandes, des pénitences, et des prières faites aux saints, avec la confiance qui caractérisait son siècle et surtout sa profession ; mais sa mâle intelligence rejetait la croyance aux prodiges qui n’avaient pour base qu’une crédulité vulgaire, et quelque persuadé qu’il fût d’avoir été choisi par le ciel pour accomplir le grand œuvre auquel il s’était consacré, il n’était nullement disposé à croire qu’en faisant apparaître une île du côté de l’ouest, Dieu eût voulu entraîner les navigateurs sur cette route pour les conduire jusqu’aux contrées plus lointaines du Cathay.

— Que je sente en moi l’assurance que la divine Providence m’a choisi comme son humble instrument pour rendre plus faciles les communications entre l’Europe et l’Asie au moyen d’un voyage en ligne directe, je l’avoue hautement, répondit l’amiral d’un ton grave, quoique ses yeux brillassent du feu de l’enthousiasme ; mais je regarderais comme une faiblesse de croire qu’elle voulût employer les prodiges et les miracles pour me guider et me montrer le chemin. Il est plus conforme à la marche éternelle de la sagesse divine, et certainement plus flatteur pour mon amour-propre, que les moyens mis à ma disposition soient ceux qu’un pilote prudent et le philosophe le plus expérimenté peuvent être appelés à mettre en usage. Mon esprit s’est livré à de longues méditations ; toutes les études, toutes les observations qui pouvaient éclairer ma raison, je les ai faites ; en un mot, c’est la science qui m’a donné toute la conviction nécessaire pour me faire chercher les moyens d’exécuter mon projet, et engager d’autres personnes à se joindre à moi dans cette entreprise.

— Et tous ceux qui vous accompagnent, noble amiral, partagent-ils la même conviction ? demanda doña Inez en jetant un coup d’œil sur Luis ; dont la grâce et l’air martial avaient fait une impression favorable sur la plupart des dames de cette île ; le señor Gutierrez a-t-il été éclairé de même que vous ? A-t-il aussi consacré ses nuits à l’étude dans le dessein d’aller planter la croix dans un pays païen, et d’opérer un rapprochement entre la Castille et le Cathay ?

— Le señor Gutierrez est un volontaire dans cette expédition, Señora. Quant à ses motifs, ce n’est qu’à lui qu’il appartient de les expliquer.

— C’est donc à lui que je demanderai une réponse à ma question ; car ces dames désirent savoir quel motif a pu engager à