Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/242

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— Ami Sancho, s’écria avec impatience don Luis encore piqué des remarques du correspondant de doña Inez, tu oublies que la nuit arrive et que le convoi attend l’amiral.

— Comment pourrais-je l’oublier, Señor, puisque je vois le soleil descendre dans la mer, et que moi-même je fais partie de l’équipage du canot, l’ayant quitté pour venir informer le noble amiral de ce que j’ai à lui apprendre.

— Je vous en prie, señor de Muños, dit Colomb, permettez lui de raconter son histoire à sa manière. On ne gagne rien à faire perdre sa route à un marin.

— Non, Votre Excellence, ni à ruer contre un mulet. — Ainsi donc, comme je vous le disais, je fis ce voyage en Sicile, et j’avais parmi mes camarades un homme José Gordo, Portugais de naissance, mais qui préférait les vins d’Espagne aux vins frelatés de son pays, et c’est pourquoi il servait fréquemment à bord de bâtiments espagnols. Je n’ai pourtant jamais pu bien savoir si, au fond du cœur, José était Portugais ou Espagnol ; mais ce qui était bien certain, c’est qu’il était assez mauvais chrétien.

— Espérons qu’il a changé sur ce point, dit Colomb d’un ton calme ; mais comme je prévois que ce que tu as à me dire sera basé sur le témoignage de ce José, je te dirai qu’un mauvais chrétien est pour moi un mauvais témoin. Dis-nous donc sur-le-champ ce qu’il t’a communiqué, afin que je juge par moi-même quelle peut en être la valeur.

— Eh bien ! celui qui doute que Votre Excellence découvre le Cathay, est un hérétique, puisque vous avez découvert mon secret avant que je vous aie rien dit. — José vient d’arriver sur la felouque qui est à l’ancre près de la Santa-Maria, et ayant appris que nous faisions une expédition, et qu’un certain Sancho Mundo faisait partie de l’équipage, il est venu sur notre bord pour voir son ancien camarade.

— Tout cela est si simple que je suis surpris que tu prennes la peine de le raconter, Sancho ; mais à présent que le voici à bord de la Santa-Maria, nous pouvons en arriver sans plus de retard à la communication qu’il t’a faite.

— Oui, sans doute, Señor ; et ainsi, sans aucun délai inutile, je vous dirai que cette communication a rapport à don Juan de Portugal, à don Ferdinand d’Aragon, à doña Isabelle de Castille, à Votre Excellence, señor don amirante, au señor de Muños que voici, et à moi-même.