Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/260

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je vous en félicite. Dans le fait, il vaut mieux que vous m’attendiez, car ce potentat de l’Orient peut se regarder comme traité avec plus d’égards s’il reçoit d’abord la visite, non d’un officier de second rang, mais du vice-roi qui représente les souverains d’Espagne, et qui est porteur des lettres qui lui sont directement adressées par Leurs Altesses. Examinez donc bien les îles et leurs produits, señor Pinzon, si vous les découvrez avant moi, et attendez que j’y sois arrivé avant d’avancer plus loin. — Et comment votre monde s’est-il conduit en prenant congé de la terre ?

— Assez mal, Señor ; — si mal, que j’ai craint une mutinerie. Il se trouve à bord de la Pinta des hommes qui, si ce n’était la crainte salutaire de Leurs Altesses, pourraient en venir à la violence pour retourner de suite à Palos.

— Vous ferez bien de surveiller de près cet esprit, afin de le réprimer. Employez la douceur à l’égard de ces mécontents, aussi longtemps qu’il sera possible ; encouragez-les en leur faisant toutes les promesses qui seront justes et raisonnables ; mais prenez garde que le mal ne devienne plus fort que votre autorité. Et maintenant, Señores, comme la nuit s’approche, retournez à votre bord, afin que nous puissions profiter de la brise.

Colomb rentra dans sa chambre avec Luis, et y resta quelque temps assis, la tête appuyée sur une main, comme un homme abîmé dans ses réflexions.

— Don Luis de Bobadilla, dit-il enfin, laissant voir par cette question le cours que ses pensées avaient pris, vous avez longtemps connu ce Martin Alonzo ?

— Longtemps, Señor, eu égard à la manière dont les jeunes gens comptent le temps ; mais ce ne serait qu’un jour si je calculais comme le font les vieillards.

— Il peut avoir une grande influence sur le résultat de notre voyage. J’espère le trouver homme d’honneur. Jusqu’à présent, il s’est montré libéral, entreprenant et courageux.

— Il est homme, don Christophe, et par conséquent sujet à l’erreur. Mais en prenant les hommes pour ce qu’ils sont, je regarde Martin Alonzo comme bien loin d’être un des plus mauvais échantillons de l’espèce. Il ne s’est point embarqué dans cette expédition par suite d’un vœu chevaleresque, ni par un zèle ardent pour l’Église ; mais donnez-lui la chance d’être bien payé des risques qu’il court, et vous le trouverez aussi fidèle que l’in-