Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/286

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jamais ni fait un faux serment, ni encouragé personnes le faire.

— En ce cas, je m’adresserais à don Luis de Bobadilla y Pédro de Muños, que voici, répondit l’imperturbable Sancho ; car un homme accusé mal à propos a droit de prouver son innocence, et les preuves ne me manqueront pas. — Votre Excellence voudra bien se souvenir que ce fut dans la nuit du samedi 15 que je lui révélai pour la première fois ce changement, et que nous sommes en ce moment dans la nuit du lundi 17. Or, j’ai juré que j’avais déjà observé ce phénomène, comme on l’appelle, une vingtaine de fois, et pour être plus près de la vérité j’aurais dû dire deux cents, car pendant ces quarante-huit heures je n’ai fait presque rien autre chose.

— Assez ! assez ! Sancho ; je vois que ta conscience à sa latitude et sa longitude ; cependant, toi, tu as ton utilité. Quoi qu’il en soit, tâche de maintenir tes camarades dans leur disposition d’esprit actuelle.

— Je ne doute pas que ce ne soit l’étoile qui change de place, comme Votre Excellence l’a dit ; et il m’est venu à l’esprit qu’il est possible que nous soyons plus près du Cathay que nous ne le pensons, et que quelque mauvais esprit lui ait imprimé ce mouvement pour nous faire perdre la route de ce pays.

— Va te coucher, drôle, et songe à tes péchés. — Voici un doublon, et souviens-toi d’être discret.

Le lendemain matin, tout l’équipage de chacun des bâtiments attendait avec impatience le résultat des nouvelles observations. Quoique le vent ne fût pas très-fort, il continuait à être favorable, et comme on avait rencontré un courant qui portait à l’ouest, on avait fait dans ces vingt-quatre heures plus de cent cinquante milles, ce qui rendit plus sensible l’accroissement de la déclinaison, circonstance qui confirma la prophétie que Colomb s’était hasardé à faire d’après ses observations précédentes. L’ignorance se laisse si aisément tromper par ce qui lui paraît plausible, que cette circonstance fit disparaître pour le moment tous les doutes, et l’on crut généralement que l’étoile avait changé de place, et que l’aiguille avait conservé toute sa vertu.

Jusqu’à quel point Colomb fut-il égaré par ses propres raisonnements dans cette circonstance, c’est ce qui est encore un sujet de doute aujourd’hui. Qu’il ait quelquefois cherché à tromper ses compagnons par des ruses qu’on peut regarder comme innocentes, puisque elles avaient pour but de soutenir leur courage, c’est ce