Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/297

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demanda l’amiral avec précaution. Mon oreille me trompe, ou j’entends un bruit d’ailes. Mais ce son est léger comme celui que produiraient de petits oiseaux.

— Vous ne vous trompez pas, don Christophe ; j’en aperçois qui viennent de se percher sur les plus hautes vergues, et ils sont de la même taille que les plus petits oiseaux de terre.

— Écoutez leur chant joyeux, Luis. C’est une mélodie semblable à celle qu’on pourrait entendre dans un des bosquets d’orangers des environs de Séville. Dieu soit loué ! C’est un signe qu’il nous donne de l’unité et de l’étendue de son empire, car la terre ne peut être bien éloignée puisque des oiseaux si faibles et de si petite taille ont pris leur vol pour venir s’établir ici.

La présence de ces oiseaux fut bientôt connue de tous ceux qui étaient sur le pont, et leurs chants rendirent aux marins plus d’assurance que n’aurait pu le faire la démonstration mathématique la plus complète, eût-elle été fondée sur les principes des connaissances modernes.

— Je te disais bien que la terre n’était pas loin, s’écria Sancho d’un ton de triomphe, en s’adressant à Martin Martiñez, son constant antagoniste. — Tu en as la preuve ici, et une preuve que personne ne peut nier à moins d’être un traître. Tu entends le chant des oiseaux sur les vergues, — chants qui ne sortiraient jamais du gosier d’oiseaux fatigués, et qui semblent aussi joyeux que si ces chers petits coquins emplumés becquetaient une figue ou une grappe de raisin dans un champ d’Espagne.

— Sancho a raison, s’écrièrent les matelots ; — l’air nous apporte une odeur qui vient de terre ; — la mer elle-même a quelque chose qui annonce le voisinage de la terre. — Dieu est avec nous, que son saint nom soit béni ! — Honneur à notre seigneur le roi et a notre gracieuse maîtresse doña Isabelle !

En ce moment, toute inquiétude disparut. L’amiral lui-même pensa que la présence d’une troupe de si petits oiseaux, et dont les ailes paraissaient si faibles, était une preuve certaine du voisinage de la terre, — d’une terre généreuse par ses productions, et placée sous un climat doux et favorable ; car ces oiseaux qui chantent, comme le sexe le plus doux de la race humaine, aiment les scènes qui sont d’accord avec leurs goûts, leurs penchants et leurs habitudes.

L’expérience a prouvé depuis ce temps que Colomb se trompait à cet égard, quelque plausibles que fussent les motifs de