Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/299

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ces herbes, dont le nombre, comme on ne peut le nier, semble augmenter à mesure que nous avançons, seront bientôt en si grande quantité sur la surface de l’eau, que les caravelles ne pourront plus ni avancer ni reculer.

— Et Martin trouve-t-il quelqu’un qui veuille ajouter foi à cette sotte idée ?

— Oui, señor don amirante, et par la raison toute simple qu’il est plus facile de trouver des gens prêts à croire une absurdité que des gens qui ne veuillent croire que la vérité. Mais cet homme est appuyé par quelques malheureuses chances qui doivent venir des puissances des ténèbres ; qui ne peuvent avoir un grand désir de voir Votre Excellence arriver au Cathay pour faire du Grand-Khan un chrétien et planter dans ses domaines l’arbre de la croix. D’ailleurs ce calme donne des inquiétudes à bien du monde, et l’on commence à regarder ces oiseaux comme des créatures envoyées par Satan pour nous conduire là d’où nous ne reviendrons jamais. Plusieurs croient même que nous sommes sur des bas-fonds, et que nous resterons pour toujours échoués au milieu de ce vaste Océan.

— Allez ordonner qu’on se prépare à sonder ; je leur démontrerai du moins la folie de cette idée. Faites assembler tout l’équipage, pour qu’il soit témoin du résultat de l’opération.

Colomb répéta cet ordre aux pilotes, et le plomb de la grande ligne de sonde fut jeté de la manière accoutumée. La ligne fila rapidement par-dessus la lisse, et le plomb continua à descendre vers le fond, jusqu’à ce qu’il restât si peu de corde qu’il fallut s’arrêter.

— Vous voyez, mes amis, dit-il alors, que nous sommes à deux cents brasses des bas-fonds que vous craignez, et je suis sûr que la mer a ici le double de la profondeur que nous venons de mesurer. — Et regardez là-bas ! voyez-vous cette baleine qui fait jaillir de l’eau ? c’est un animal qu’on ne voit jamais qu’à peu de distance des côtes des grandes îles et des continents.

Cette dernière partie du discours de Colomb, qui était conforme aux opinions du jour, ne laissa pas que de produire son effet, son équipage étant naturellement sous l’influence des idées généralement répandues à cette époque. On sait pourtant aujourd’hui que les baleines fréquentent les parties de l’Océan où leur nourriture est la plus abondante, et l’un des parages où l’on en trouve le plus depuis un certain temps, est ce qu’on ap-