Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/323

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l’on s’empressa de déployer toutes les voiles à bord des trois bâtiments, chacun d’eux désirant précéder les autres, afin que son équipage eût plus de chance d’obtenir la récompense promise. À cet égard, l’avantage et le désavantage étaient singulièrement partagés entre les trois compétiteurs. La Niña avait le plus de vélocité quand le vent était léger et la mer calme, mais aussi il était le plus petit ; la Pinta, qui venait ensuite quant à ses dimensions, l’emportait sur les deux autres lorsque le vent fraîchissait ; et la Santa-Maria, le moins bon voilier de l’escadre, avait les mâts les plus hauts, et par conséquent l’horizon le plus étendu.

— Il règne ce matin un hou esprit dans équipage, don Christophe, dit Luis, debout à côté de l’amiral, et attendant avec lui l’arrivée du grand jour, et nous pouvons espérer de découvrir la terre, si cela dépend du pouvoir des yeux. La distance parcourue hier a éveillé toutes les espérances, et il faut que nous découvrions la terre, dussions-nous la faire sortir du fond de l’Océan.

— Voilà Pépé, l’époux soumis de Monica, perché sur notre plus haute vergue, les yeux braqués vers l’occident, dans l’espoir de gagner la pension royale, dit Colomb en souriant. Une pension de dix mille maravédis serait quelque consolation pour la mère désolée et l’enfant abandonné.

— Martin Alonzo y va d’aussi bon jeu, Señor : voyez comme la Pinta fait force de voiles ! Mais Vincent Yañez à l’avance sur lui, et il est déterminé à être le premier à saluer le Grand-Khan, sans respect pour les droits de son frère aîné.

— Señor ! — Señores ! s’écria Sancho, assis sur une vergue aussi tranquillement qu’une dame de nos jours étendue sur une ottomane, la felouque fait un signal !

— Cela est vrai, dit Colomb ; Vincent Yañez vient d’arborer le pavillon de la Reine, et le coup de canon qu’il vient de tirer nous annonce quelque grand événement.

Comme ces deux signaux étaient ceux qui avaient été ordonnés dans le cas où l’un des bâtiments découvrirait la terre avant les autres, on ne douta guère que la felouque n’eût enfin réellement annoncé le succès définitif de l’expédition ; cependant le souvenir du cruel désappointement récemment éprouvé tint toutes les lèvres fermées jusqu’à ce que la vérité fût bien prouvée, quoique chacun adressât tout bas des remerciements au ciel. Toutefois on établit jusqu’à la dernière voile à bord de la Santa-Maria, et les bâtiments semblèrent redoubler de vitesse en avançant