Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/334

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le monde savait que cette plante venait certainement de quelque rivage, et sa fraîcheur prouvait qu’elle ne pouvait avoir été arrachée depuis longtemps de l’endroit où elle avait crû.

— C’est réellement un heureux présage, dit Colomb ; les joncs ne peuvent croître sans la lumière du ciel, quoi qu’il puisse en être autrement des herbes.

Ce petit événement changea le cours des idées des mécontents, ou du moins l’interrompit. L’espoir reprit encore une fois le dessus, et tous ceux qui n’étaient pas occupés montèrent sur les mâts et les vergues pour surveiller l’horizon occidental. Le mouvement rapide des bâtiments ajoutait même à l’élasticité des esprits. On voyait la Pinta et la Niña passer et repasser près du bâtiment amiral, comme pour donner une démonstration de gaieté. Quelques heures plus tard, on rencontra des herbes également vertes et fraîches, et vers midi Sancho annonça positivement qu’il venait de voir un poisson qu’on savait ne se trouver que dans le voisinage des rochers. Une heure plus tard, la Niña vint se mettre bord à bord du bâtiment amiral, et son commandant, placé sur une vergue, avait l’air d’un homme qui a d’importantes nouvelles à communiquer.

— Qu’y a-t-il donc, Vincent Yañez ? s’écria Colomb ; vous ressemblez à un messager qui apporte de bonnes nouvelles.

— Et c’est en effet ce que je crois être, don Christophe. Nous venons de voir passer dans la mer une branche de rosier sauvage chargée de baies, et qui paraît avoir été tout récemment arrachée de l’arbre. C’est un signe qui ne peut nous tromper.

— C’est la vérité, mon cher ami. À l’ouest ! à l’ouest ! Heureux celui dont les yeux seront les premiers à voir les merveilles des Indes !

Il serait difficile de dire jusqu’à quel point l’espérance et la joie épanouirent tous les cœurs. On n’entendait plus que rire et plaisanter sur le pont où, quelques heures auparavant, on ne voyait que mécontentement et humeur sombre. Les minutes s’écoulaient rapidement ; personne ne songeait plus à l’Espagne, on ne pensait qu’à cet ouest qui était encore invisible.

Un peu plus tard, un cri de joie se fit entendre à bord de la Pinta qui était au vent de l’amiral et un peu en avant. On vit alors ce bâtiment diminuer de voiles, mettre en panne, et enfin descendre son esquif à la mer. Fendant les flots écumants, la