Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/343

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Le soleil était à peine levé qu’on vit sortir des bois des hommes qui regardaient avec étonnement l’apparition de machines que ces insulaires ignorants prenaient pour des messagers du ciel. Bientôt après Colomb fit jeter l’ancre, et il débarqua pour prendre possession de l’île au nom des deux souverains.

On déploya en cette occasion autant d’apparat que le permettaient les moyens limités de nos aventuriers. L’amiral, en habit écarlate, et portant l’étendard royal, marchait en tête, suivi de Martin Alonzo et de Vincent Yañez Pinzon, portant chacun une bannière sur laquelle on voyait une croix, symbole de l’expédition, avec les lettres initiales des noms de Ferdinand et d’Isabelle.

Toutes les formalités d’usage en pareilles occasions furent observées. En posant le pied sur cette terre inconnue, Colomb en prit possession au nom des deux souverains, rendit grâce à Dieu du succès de son expédition, et regarda ensuite autour de lui, pour se faire une idée de la valeur de sa découverte[1].

Dès que ce cérémonial fut accompli, tout l’équipage entoura l’amiral, et commença à le féliciter du succès qu’il avait obtenu et à lui témoigner ses regrets de son manque de confiance et de son insubordination. Cette scène a été souvent citée comme une preuve de l’inconstance et de la bizarrerie des jugements humains ; l’homme que si récemment encore on considérait comme un aventurier égoïste et téméraire, étant tout à coup presque vénéré comme un Dieu. Ces témoignages flatteurs n’inspiraient pas plus d’orgueil à l’amiral, que la mutinerie ne l’avait intimidé. Il conserva son air calme et grave au milieu de ceux qui se pressaient autour de lui, quoiqu’un observateur attentif eût pu voir le

  1. C’est une chose singulière que la position et le nom de l’île qui fut découverte la première dans ce célèbre voyage soit encore aujourd’hui un objet, sinon de doute, du moins de discussion. Beaucoup de personnes, en y comprenant quelques-unes des meilleures autorités, croient que les aventuriers abordèrent à l’île du Chat, comme on l’appelle à présent, quoique Colomb lui ait donné le nom de San-Salvador D’autres prétendent qu’ils arrivèrent d’abord à l’île du Turc. La raison donnée à l’appui de cette dernière opinion est la position de cette île, jointe à la route qu’on prit ensuite pour aller à Cuba. Muñoz pense que c’était l’île de Watling, située à l’est de celle du Chat, à la distance d’un degré de longitude ou de quelques heures. Quant à l’île du Turc, la théorie n’est appuyée sur aucun fait. La route qu’on suivit en quittant l’île ne fut pas à l’ouest, mais au sud-ouest, et l’on voit Colomb désirer aller au sud pour arriver à l’île de Cuba, que les naturels lui avaient décrite et qu’il croyait être Cipango. Muñoz ne donne aucun motif de son opinion ; mais l’île de Watling ne répond aucunement à la description du grand navigateur ; elle est pourtant située très-près de la route qu’il suivit, et il passa sans doute dans les environs, sans la voir, pendant la nuit. On croit que c’est sur cette île que parut la lumière que Colomb remarqua plusieurs fois.