pirogue derrière une pointe qui les cachait aux regards des matelots des deux bâtiments. De cette manière leur absence resta inaperçue.
Ces circonstances, jointes au mystère qui dérobait à tout le monde les rapports du jeune grand d’Espagne avec l’expédition, sont cause que les événements que nous allons rapporter ne furent pas consignés sur le journal de Colomb ; ils ont échappé aux investigations des divers historiens qui ont puisé tant de matériaux dans ce document d’une si haute importance.
CHAPITRE XXIII.
algré son caractère résolu, et une indifférence pour le danger qui allait presque jusqu’à la témérité, Luis ne se trouva pas
seul avec les Haïtiens sans ressentir vivement la nouveauté de sa
situation. Il n’arriva pourtant rien qui pût exciter en lui la plus
légère inquiétude et interrompre les communications imparfaites
qui s’établissaient entre lui et ses nouveaux amis ; quelquefois
seulement il adressait une remarque à Sancho, qui n’avait
besoin que du moindre encouragement pour discourir des heures
entières. Au lieu de suivre l’esquif de la Santa-Maria, à bord
duquel l’ambassadeur s’était embarqué, la pirogue avança à
quelques lieues plus loin du côté de l’est, car il avait été convenu
que Luis ne se montrerait dans la ville de Guacanagari qu’après
l’arrivée des deux caravelles, et qu’alors il rejoindrait ses compagnons
secrètement, de manière à ne pas attirer l’attention.
Notre héros n’aurait pas été un véritable amant, s’il eût été insensible à la vue des beautés naturelles qui s’offraient à ses yeux pendant qu’il longeait les côtes d’Haïti. La nature escarpée de ces côtes, comme on le voit sur celles de la Méditerranée, disparaissait sous la douceur d’une basse latitude, qui donne aux