Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/361

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lui causait la vue d’une jeune Indienne si charmante, il prit son turhan, en déroula l’étoffe, l’étendit dans toute sa largeur, et le plaça galamment sur les épaules de la belle Indienne.

Les expressions de plaisir et de reconnaissance qui échappèrent à cette jeune et innocente créature, furent aussi vives que franches et sincères. Elle répéta de nouveau plusieurs fois le mot — Mercédès ! — et montra sa satisfaction avec tout l’entraînement d’un cœur généreux et ingénu. Dire que les démonstrations de plaisir d’Ozéma étaient entièrement exemptes de ce transport de joie enfantine inséparable peut-être de son ignorance, ce serait attribuer à l’état sauvage l’expérience et les sentiments qui n’appartiennent qu’à une civilisation déjà avancée ; et cependant, malgré la simplicité innocente avec laquelle elle laissait voir toutes ses émotions, il y avait dans son air de satisfaction quelque chose de cette dignité qui, dans toutes les contrées du monde, caractérise toutes les actions des personnes qui appartiennent aux classes supérieures. Luis trouva la jeune Haïtienne aussi remplie de grâces que naïve et attrayante. Il chercha à se représenter la manière dont sa maîtresse recevrait une parure de pierres précieuses des mains de doña Isabelle, et il lui parut très-présumable que la grâce toute naturelle d’Ozéma ne resterait pas fort au-dessous de ce respect pour soi-même, joint au plaisir causé par la reconnaissance, que Mercédès ne manquerait pas de montrer dans une semblable occasion.

Tandis que ces réflexions se présentaient à l’esprit de notre héros, la jeune Indienne, sans s’imaginer un seul instant qu’elle eût à rougir, jeta à terre la pièce de toile de coton qui passait par-dessus son épaule, et y substitua la riche étoffe du turban. Après avoir exécuté ce changement avec la grâce et l’aisance d’un esprit exempt de tout préjugé de convention, elle détacha de son cou son collier de coquilles, et, faisant un pas ou deux vers Luis, elle le lui présenta, la tête à demi détournée, avec un regard et un sourire qui parlaient plus éloquemment que la bouche n’aurait pu le faire. Celui-ci accepta ce présent avec tout l’empressement convenable, et ne se refusa même pas le plaisir de baiser avec une galanterie toute castillane la jolie main qui le lui offrait.

Le cacique qui avait vu avec un air de satisfaction tout ce qui venait de se passer, fit alors signe au jeune Espagnol de le suivre, et le conduisit dans une autre habitation. Don Luis y trouva plusieurs autres jeunes femmes et deux ou trois enfants, et il ne