Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/371

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec lequel il recevait leur attaque fit pousser de grands cris aux Indiens, mais était-ce de rage ou d’admiration, c’est ce dont Luis ne pouvait juger.

Une seconde attaque fut plus judicieuse, car elle fut faite d’après un principe que Napoléon, dit-on, adopta pour les décharges de son artillerie. Tous ceux qui avaient des arcs, au nombre de sept ou huit, tirèrent leurs flèches en même temps. Il n’était guère possible d’échapper complètement à cette attaque combinée. Les flèches tombèrent comme la grêle sur le bouclier, et une ou deux, glissant sur le bord, touchèrent le corps du guerrier castillan sans lui faire d’autre mal que de légères contusions. Une seconde décharge allait avoir lieu, quand la jeune Indienne alarmée quitta l’endroit où elle était cachée, et, comme la Pocahontas de nos jours, se précipita devant Luis, les bras croisés sur sa poitrine. Dès qu’on l’eut aperçue, le cri — Ozéma ! Ozéma ! — se fit entendre parmi les assaillants, qui étaient, comme le comprendront ceux qui connaissent l’histoire de cette île, non des Caraïbes, mais des Haïtiens gouvernés par un chef caraïbe. En vain Luis fit-il les plus grands efforts pour l’engager à se retirer : la généreuse Indienne voyait quel danger il courait, et toute l’éloquence du jeune comte, lors même qu’il eût pu s’en servir en cette occasion, n’aurait pas été assez forte pour la décider à le laisser exposé à un tel péril. Comme les Indiens cherchaient les moyens de tirer sur lui sans s’exposer à tuer la princesse, notre héros reconnut qu’il ne lui restait d’autre alternative que de se mettre à couvert derrière un fragment de rocher. Il venait de pourvoir ainsi à sa sûreté, lorsqu’un guerrier caraïbe, à l’air féroce et menaçant, vint joindre les assaillants, qui se mirent à vociférer tous ensemble pour lui expliquer la situation des choses.

— Caonabo ? demanda Luis à Ozéma en lui montrant le nouveau venu.

Après avoir bien examiné le chef caraïbe, la princesse secoua la tête, puis, s’attachant au bras de notre héros avec une confiance séduisante, elle s’écria :

— No, non, non… Non Caonabo ! non, non, non !

Luis suppose que la première partie de cette réponse signifiait que le nouveau venu n’était pas Caonabo, et que la seconde exprimait la ferme volonté d’Ozéma de ne pas devenir la femme de ce chef.

La consultation entre les assaillants ne fut pas de longue durée.