Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/372

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Six d’entre eux, armés les uns de massues, les autres de javelines, coururent en avant pour aller attaquer l’ennemi dans sa citadelle. Quand il les vit à environ vingt pieds de distance, notre héros s’élança à leur rencontre. Deux javelines s’enfoncèrent à l’instant dans son bouclier, et furent coupées d’un seul coup de sabre ; un troisième ennemi tenait une massue levée sur sa tête, un autre coup de sabre, porté de bas en haut, fit tomber à ses pieds et le bras et la massue ; allongeant ensuite son arme en avant, Luis toucha les deux autres ; mais, comme ils n’étaient pas encore à sa portée, la pointe glissa et ne leur fit qu’une légère blessure à la poitrine.

Une action si rapide et si imprévue jeta la terreur parmi les assaillants. Ils ne connaissaient pas le pouvoir de l’acier, et l’amputation subite d’un bras leur parut quelque chose de miraculeux. Le féroce Caraïbe lui-même recula frappé de consternation, et l’espérance vint ranimer le courage de notre héros. Cette rencontre est la première où les Espagnols firent couler le sang des habitants des îles nouvellement découvertes, quoique les historiens citent comme le commencement de leurs querelles un incident arrivé à une époque plus reculée. Le silence absolu qui fut gardé relativement à cette expédition de don Luis, a rendu inutiles leurs recherches assez superficielles.

En ce moment des acclamations poussées par les assaillants, et la vue d’un nouveau corps d’ennemis ayant à leur tête un homme de grande taille et d’un air imposant, annoncèrent l’arrivée de Caonabo en personne. Ce cacique belliqueux fut bientôt informé de l’état des affaires, et il fut évident que la prouesse de notre héros le frappait d’admiration autant que de surprise. Au bout de quelques instants il ordonna à toute sa troupe de se retirer plus loin en arrière, et, jetant sa massue, il s’avança hardiment vers Luis en lui faisant des signes d’amitié.

Lorsque les deux adversaires se rencontrèrent, ce fut avec un air de confiance et de respect mutuel. Le Caraïbe prononça un discours bref et véhément dont le seul mot intelligible pour l’Espagnol fut le nom de la belle Indienne. Ozéma s’était aussi avancée, comme si elle eût voulu parler, et Caonabo, se tournant vers elle, lui adressa la parole en termes qui, s’ils n’étaient pas éloquents, semblaient du moins passionnés ; il appuya plusieurs fois une main sur son cœur, et sa voix devint douce et même persuasive. Ozéma lui répliqua avec vivacité, et du ton d’une femme