Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/378

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avant de retourner en Europe. Mais la perte de la Santa-Maria et la désertion de la Pinta le réduisirent à la nécessité de terminer l’expédition, dans la crainte que, par quelque accident imprévu, ce qu’il avait déjà fait ne fût perdu pour le monde. Ainsi, dans la journée du 4 janvier 1493, il fit voile à l’ouest, en longeant les côtes d’Haïti ; son plus grand désir était alors de retourner en Espagne avant que le seul petit esquif qui lui restait ne vînt à lui manquer, de peur que son nom ne pérît avec la connaissance de ses découvertes. Heureusement, le 6, on vit arriver la Pinto, vent arrière, Martin Alonzo Pinzon ayant effectué un des projets qui l’avaient engagé à s’éloigner, celui de se mettre en possession d’une grande quantité d’or, mais n’ayant réussi à découvrir aucune mine, ce qui avait été, croyait-on, son principal motif.

Il n’est d’aucune importance pour notre narration de donner des détails sur l’entrevue qui eut lieu. Colomb reçut le coupable Piuzon avec une prudente réserve, et, après avoir écouté ses explications, il lui ordonna de préparer la Pinta pour le retour en Espagne. Après tous les pourparlers nécessaires dans une baie favorable à cet objet, les deux bâtiments firent voile de conserve vers l’est, longeant toujours la côte septentrionale d’Haïti ou Española, c’est-à-dire petite Espagne ; car c’est ainsi que l’île avait été nommée par Colomb[1].

Ce ne fut que le 16 du mois que nos voyageurs prirent définitivement congé de ce beau pays. Ils avaient à peine perdu de vue la terre, en gouvernent au nord-est, que les vents favorables les abandonnèrent, et qu’ils rencontrèrent de nouveau les vents alisés. Le temps était assez beau, et en maintenant les deux bâtiments sur le meilleur bord, l’amiral, le 10 février, après diverses déviations de la droite ligne, avait traversé cette étendue de

  1. La destinée de cette belle île fournit une preuve que la Providence divine fait retomber le mal sur ceux qui le commettent. Cette île, dont l’étendue peut se comparer aux deux tiers de l’État de New-York, fut le siège de l autorité espagnole dans le Nouveau-Monde pendant bien des années. La population en était considérable. Ces aborigènes, doux et heureux lorsqu’ils furent découverts, furent littéralement exterminés par les cruautés de leurs nouveaux maîtres, et il devint nécessaire d’importer des nègres d’Afrique pour cultiver les champs de canne à sucre. Vers le milieu du seizième siècle, on dit qu’on n’aurait pas pu trouver plus de deux cents aborigènes dans l’île, quoique Ovando eût attiré par trahison non moins de quarante mille habitants des Bahamas, pour remplacer les morts, dès l’année 1513. Plus tard, Española (Saint-Domingue) passa dans les mains des Français, et chacun connaît les terribles événements qui en donnèrent l’exclusive possession aux descendants des enfants de l’Afrique. Tout ce qui a été dit de l’influence des blancs dans les États-Unis, relativement aux Indiens de ce pays, devient insignifiant lorsqu’on le compare à ces faits extraordinaires.