dra de ce point du ciel ou de celui qui lui est opposé. Tout est-il en état sur la caravelle ?
— Il ne nous reste rien à faire, señor amiral. Nous ne pouvons avoir moins de toile dehors, et tout est bien saisi partout. Sancho Ruiz, examinez les prélarts, de crainte que nous ne fassions plus d’eau que nous ne le voudrions.
— Examinez aussi la lumière de votre fanal, afin que la Pinta ne nous perde pas dans les ténèbres. Ce n’est pas le moment de dormir, Vincent ; placez vos hommes les plus sûrs au gouvernail.
— Señor, je les ai choisis avec soin : Sancho Mundo et le jeune Pépé de Moguer remplissent maintenant ce devoir. D’autres aussi habiles attendent pour les remplacer quand leur quart sera fini.
— C’est bien, bon Pinzon. Ni vous ni moi nous ne fermerons l’œil cette nuit.
Les précautions de Colomb n’étaient pas superflues ; environ une heure après que l’atmosphère chargée d’électricité s’était montrée sous un aspect aussi peu naturel, le vent s’éleva du sud-ouest dans une direction favorable, mais avec une violence effrayante. Malgré son vif désir d’arriver à un port, l’amiral jugea prudent de faire carguer la seule voile qu’on eût conservée, et durant la plus grande partie de la nuit, les deux caravelles coururent vent arrière, à mâts et à cordes, vers le nord-ouest. Nous disons les deux caravelles, car Martin Alonzo, malgré sa longue habitude des mers orageuses, et sa disposition à agir seulement dans son propre intérêt, à présent que l’important problème était résolu, maintint la Pinta si près de la Niña, que peu de minutes se passaient sans qu’on l’aperçût s’élevant sur le sommet d’une vague écumante, ou disparaissant dans le creux des lames, tout en suivant l’impulsion irrésistible du vent, mais se tenant presque bord à bord avec la Niña, de même que l’homme s’attache à l’homme dans les moments de besoin et de péril.
Ainsi s’écoula la nuit du 13 ; le jour prêta des couleurs plus vives à cette scène, quoiqu’on pensât que le vent diminuait de violence à mesure que le soleil s’élevait sur l’horizon : peut-être ce changement n’existait-il que dans l’imagination des marins, la lumière diminuant d’ordinaire l’apparence du danger, en donnant aux hommes la possibilité d’y faire face. Chaque caravelle établit cependant une petite voile, et toutes deux fendirent les vagues,