Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/394

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tugal, la continuité des vents du sud l’ayant poussé aussi loin vers le nord.

La nuit commença sous des auspices favorables, la caravelle faisant voile en avant à travers une mer houleuse, dont les vagues étaient poussées avec violence de la partie du sud, ayant le vent par le travers, et assez fort pour qu’on fût obligé de diminuer de voiles, afin de rendre la manœuvre plus facile. La Niña était un excellent navire, comme elle l’avait déjà prouvé ; et sa course plus régulière que lorsqu’elle avait été assaillie par les premières tempêtes, les pilotes ayant rempli plus de tonneaux qu’ils n’avaient pu le faire alors.

— Tu as passé ta vie au gouvernail, pendant tous ces mauvais vents, Sancho Mundo, dit l’amiral avec gaieté, lorsqu’à la dernière heure du premier quart il passa près du poste du vieux marin. Ce n’est pas un petit honneur que de remplir cette place pendant d’aussi terribles ouragans que ceux que nous avons éprouvés.

— Je le pense ainsi, señor don amirante ; et j’espère que Leurs très-puissantes et très-illustres Altesses, nos deux souverains, penseront de même, du moins en ce qui concerne le poids du devoir.

— Et pourquoi pas en ce qui concerne l’honneur, ami Sancho ? dit Luis, qui était devenu ami dévoué du vieux marin depuis que celui-ci était arrivé si à propos à son secours sur le tertre.

— L’honneur, señor Pédro, est une nourriture bien froide, et convient mal à l’estomac d’un pauvre homme. Un doublon vaut deux duchés pour un homme comme moi ; car les doublons m’obtiendraient du respect, tandis que des duchés ne m’attireraient que du ridicule. Non, non, maître Pédro, qu’on me donne une poche pleine d’or, et je laisse les honneurs à qui en aura envie. Si un homme doit être élevé dans le monde, commencez par le commencement, c’est-à-dire posez une fondation solide, après quoi on pourra en faire un chevalier de Saint-Jacques, si les souverains ont besoin de son nom pour remplir leur liste.

— Tu es trop babillard pour un homme qui tient le gouvernail, Sancho, quoique excellent sous tant d’autres rapports, dit gravement l’amiral. Ne perds pas de vue ton cap ; les doublons ne manqueront pas lorsque le voyage sera terminé.

— Bien des remerciements, señor amirante. Mais pour vous donner une preuve que mes yeux ne sont pas fermés, même pendant que ma langue travaille, je désirerais que Votre Excellence