Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/411

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dans la main, et le nombre surpassant ses espérances, il n’eut plus aucun motif pour se taire.

— Parle donc, drôle ! s’écria le roi. Tu te joues de ceux à qui tu dois le respect et l’obéissance.

La voix vibrante de Ferdinand fit plus d’effet sur les oreilles de Sancho que la douce voix d’Isabelle, quoique la beauté et la grâce de la reine eussent produit une vive impression sur son naturel grossier.

— Si Votre Altesse veut condescendre à me faire connaître ce qu’elle désire savoir, je parlerai avec plaisir.

— Où est Colomb ? demanda la reine.

— Il était dernièrement à Lisbonne, Señora, quoique je pense qu’il est maintenant à Palos de Moguer ou dans le voisinage.

— Où a-t-il été ?

— À Cipango et dans les domaines du Grand-Khan, à quarante journées de Gomère, pays d’une beauté et d’une excellence merveilleuses.

— Tu ne peux, tu n’oserais te jouer de moi. Devons-nous ajouter foi à tes paroles ?

— Si Votre Altesse connaissait Sancho Mundo, elle n’aurait pas un pareil doute. Je vous dis, Señora, et à tous ces nobles cavaliers, ainsi qu’à ces dames, que don Christophe Colomb a découvert l’autre côté de la terre : nous savons maintenant qu’elle est ronde, puisque nous en avons fait le tour. L’amiral a découvert aussi que l’étoile polaire voyage dans les cieux, comme une commère qui va répandre ses nouvelles ; et il a pris possession d’îles aussi grandes que l’Espagne, où l’or croît dans la terre, et où la sainte Église peut s’occuper à faire des chrétiens jusqu’à la consommation des siècles.

— La lettre, — Sancho, — donne-moi la lettre ! — Colomb ne t’aurait pas envoyé avec un message verbal seulement.

Sancho déroula plusieurs enveloppes d’étoffe et de papier avant d’arriver à la missive de Colomb ; puis, sans quitter sa position, car il était toujours à genoux, il la présenta de loin à la reine, lui donnant la peine de s’avancer de plusieurs pas pour la recevoir. Ces nouvelles étaient si inattendues et si extraordinaires, la scène elle-même était si étrange, que chacun garda le silence et l’immobilité, laissant Isabelle agir seule comme elle avait parlé seule jusqu’alors. Sancho s’étant ainsi acquitté avec succès d’une tâche qui lui avait été confiée expressément à cause de son ca-