Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/415

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— De qui parles-tu ? demanda doña Béatrix d’une voix hautaine, qui indiquait qu’elle exigeait une prompte réponse. Quel est le nom de cette princesse, et d’où vient-elle ?

— Votre Excellence, son nom est doña Ozéma, de Haïti ; don Mattinao, son frère, est cacique ou roi d’une partie de ce pays, et la señora Ozéma est son héritière ou sa plus proche parente. Don Luis et votre humble serviteur ont été rendre visite à cette cour.

— Ce conte est tout à fait improbable, mon garçon ! Est-ce un homme comme toi que don Luis eût choisi pour compagnon dans une semblable occasion.

— Pensez-en ce qu’il vous plaira, Señora, mais cela est aussi vrai que cette cour est celle de don Ferdinand et de doña Isahelle. Il faut que vous sachiez, illustre marquise, que le jeune comte a quelque penchant à courir le monde avec nous autres matelots. Or il arriva, dans une occasion, qu’un certain Sancho Mundo fut d’un de ses voyages, et voilà comme nous fîmes connaissance. Je gardai le secret du noble señor, et il devint l’ami de Sancho. Lorsque don Luis alla rendre visite à don Mattinao, le cacique, mot qui signifie Votre Altesse dans la langue de l’est, il fallut que Sancho allât avec lui, et Sancho obéit. Lorsque le roi Caonabo descendit des montagnes pour enlever la princesse doña Ozéma et en faire sa femme, ce que la princesse ne voulait pas du tout, il ne restait rien à faire au comte de Llera et à son ami Sancho de la Porte du Chantier, que de combattre toute une armée pour la défendre, ce qu’ils firent, et ils remportèrent une aussi grande victoire que jamais don Ferdinand, notre souverain maître, eu ait remporté sur les Maures.

— Et vous enlevâtes vous-même la princesse, à ce qu’il paraît ! L’ami Sancho de la Porte du Chantier, si c’est là ton titre, ce conte est ingénieux, mais il manque de vraisemblance. Si je voulais te rendre justice, honnête Sancho, je te ferais donner les étrivières, comme tu le mérites si bien, pour te récompenser de tes plaisanteries.

— Cet homme parle comme il a été chargé de parler, observa Mercédès d’une voix basse et mal assurée ; je crains, Señora, qu’il n’y ait beaucoup de vérité dans son récit !

— Vous ne devez rien craindre, belle Señorita, répondit Sancho, peu ému des menaces de la marquise, puisque la bataille a été livrée, la victoire remportée, et que les deux héros en sont sortis les braies nettes. Cette illustre señora à laquelle je puis tout