Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/416

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pardonner, comme à la tante du meilleur ami que j’aie sur la terre, — tout ce qui se passera en paroles, du moins, — se rappellera que les Haïtiens ne connaissent pas les arquebuses, par le secours desquelles nous avons défait Caonabo, et que Luis a rompu plus d’une colonne de Maures avec le seul secours de sa bonne lance.

— Cela est possible, répondit doña Béatrix, mais il était en selle, couvert d’une cuirasse d’acier, et il avait en main une arme qui avait déjà renversé Alonzo de Ojeda lui-même !

— As-tu réellement amené avec toi la princesse dont tu parles, demanda vivement Mercédès.

— Je vous le jure, Señora et Señorita, illustres dames toutes les deux ; je vous le jure par la sainte messe et par tous les saints du calendrier ! une princesse qui surpasse en beauté les filles de notre reine elles-mêmes, si ce sont celles qui viennent de quitter à l’instant cette chambre, comme je le suppose.

— Hors d’ici, drôle, s’écria Béatrix indignée. Je ne veux pas en entendre davantage, et j’ai lieu de m’étonner que mon neveu emploie une langue aussi insolente que la tienne pour aucun de ses messages. Sors d’ici, et sache à être discret au moins jusqu’à demain, ou la faveur de ton amiral lui-même ne garantirait pas tes os. — Mercédès, allons prendre du repos ; l’heure est bien avancée.

Sancho resta seul pendant quelques minutes, au bout desquelles un page parut pour lui indiquer le lieu où il devait passer la nuit. Le vieux marin murmura un peu en lui-même contre l’esprit revêche de la tante de don Luis, et compta de nouveau son or : il allait se mettre au lit, lorsque le même page revint pour l’appeler à une nouvelle entrevue. Sancho, qui faisait peu de distinction entre le jour et la nuit, n’eut point d’objection à faire, surtout lorsqu’il fut instruit que sa présence était demandée par la jeune señorita, dont la voix douce et tremblante l’avait tant intéressé pendant la dernière entrevue. Mercédès reçut le rude matelot dans un petit salon de son appartement, après avoir souhaité le bonsoir à sa tutrice. Son visage était animé, ses yeux brillaient d’un éclat inaccoutumé ; en un mot, au moment où Sancho se présenta devant elle, toute la contenance de la jolie Castillane eût révélé à un juge plus éclairé, à un homme qui aurait su lire dans le cœur des femmes, l’anxiété profonde où elle était plongée.