Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/417

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— Tu as fait un long et fatigant voyage, Sancho, dit notre héroïne lorsqu’elle fut seule avec le marin, et je te prie d’accepter cet or comme une faible preuve de l’intérêt avec lequel j’ai appris les grandes nouvelles dont tu es porteur.

— Señorita ! s’écria Sancho en affectant une grande indifférence pour les doublons qui tombaient dans sa main, j’espère que vous ne me croyez pas une âme mercenaire ? L’honneur d’être le messager de don Christophe et celui d’être admis à converser avec d’aussi illustres dames, est la plus grande récompense de mes services.

— Mais l’argent peut t’être utile pour tes besoins particuliers, et tu ne refuseras pas ce que t’offre une dame.

— Oh ! de cette manière je l’accepterais, doña senorita, quand il y en aurait deux fois autant. — Et Sancho, avec une résignation convenable, plaça cet argent à côté de celui qu’il avait déjà reçu par ordre de la reine.

Mercédès se trouvait dans la situation pénible de ceux qui ont trop présumé de leurs forces, et au moment où elle avait en son pouvoir les moyens de satisfaire ses doutes, elle hésitait à en faire usage.

— Sancho, dit-elle enfin, tu as fait avec le señor Colomb ce grand et extraordinaire voyage, et tu as appris bien des choses que des gens qui, comme nous, n’ont jamais quitté l’Espagne, doivent être curieux d’entendre. Tout ce que tu as dit de ces princes et princesses est-il vrai ?

— Aussi vrai, Señorita, que cela est nécessaire pour une histoire. Par la messe ! tous ceux qui ont assisté à une bataille ou qui ont été témoins de quelque grande aventure, et qui plus tard ont occasion d’en lire le récit, apprennent bientôt à comprendre la différence entre là chose elle-même et le parti qu’on en a tiré. Maintenant, comme j’étais…

— Laissons de côté les nouvelles aventures, bon Sancho ; parle-moi toujours de la même. Y a-t-il réellement un prince Mattinao et une princesse Ozéma, sa sœur, et ont-ils tous deux accompagné l’amiral en Espagne ?

— Je n’ai pas dit cela, belle Señorita, — don Mattinao est resté dans son pays pour gouverner son peuple. C’est seulement sa charmante sœur qui a suivi l’amiral et don Luis à Palos.

— Suivi ! L’amiral et le comte de Llera ont-ils donc tant d’influence sur des princesses royales, qu’ils puissent les engager à