Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/419

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

paraît le faire ici, à Barcelone, sur la terre ferme. Nous avons été à Cipango pour élever des croix et faire des chrétiens ; ainsi nous sommes toujours dans notre rôle. Quant à doña Ozéma, elle a plus de considération pour moi que pour beaucoup d’autres ; car j’ai contribué à l’arracher des mains de Caonabo. Ainsi elle m’a montré la croix le jour où nous avons jeté l’ancre dans le Tage, au moment même où l’amiral me donna ordre d’apporter cette lettre à Leurs Altesses. En cet instant elle baisait cette croix, la pressait sur son cœur, et disait que c’était Mercédès.

— Ceci est bien étrange, Sancho ! Cette princesse a-t-elle une suite convenable et son rang et à sa dignité ?

— Vous oubliez, Señorita, que la Niña n’est qu’un petit bâtiment, comme son nom l’indique, et qu’il n’y aurait à bord d’un tel bâtiment aucune place pour une suite de dames et de seigneurs : don Christophe et don Luis sont assez honorables pour remplacer tout cela auprès de toutes les princesses du monde. Quant au reste, doña Ozéma attendra que notre gracieuse souveraine lui compose une maison convenable à son rang. Et puis ces dames d’Haïti sont plus simples que nos dames nobles d’Espagne, la plupart d’entre elles pensant que les vêtements ne sont pas d’une grande nécessité dans un climat si doux.

Mercédès parut offensée et incrédule, mais sa curiosité et son intérêt étaient excités à un tel point, qu’elle n’eut pas le courage de congédier le marin sans lui faire de nouvelles questions.

— Et don Luis de Bobadilla était toujours avec l’amiral, dit-elle, toujours prêt à le soutenir, et le premier dans tous les dangers ?

— Señorita, vous faites le portrait du comte comme si vous aviez été près de lui depuis le premier jour jusqu’au dernier. Si vous l’aviez vu frapper d’estoc et de taille sur les gens de Caonabo, et les tenant tous en respect tandis que doña Ozéma était près de lui derrière les rochers, cela eût tiré des larmes d’admiration de vos beaux yeux.

— Doña Ozéma près de lui ! — derrière les rochers ! — les assaillants tenus en respect !

— Oui, Señora, vous répétez comme un livre ; c’est comme vous le dites, quoique doña Ozéma ne se contentât pas de se tenir derrière les rochers, car lorsque les flèches tombèrent comme une grêle, elle se précipite devant le comte, forçant les ennemis à se retirer, car ils ne voulaient pas tuer celle dont ils cherchaient à