Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/420

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s’emparer. De cette manière, elle sauva la vie de son chevalier.

— Sauva sa vie ! — la vie de Luis ! — de don Luis de Bohadilla ! — une princesse indienne !

— Juste comme vous le dites, et la plus noble fille : pardon de parler si légèrement d’une personne de son rang. Bien des fois, depuis ce jour, le jeune comte m’a dit que les flèches arrivaient si serrées, que, sans cette courageuse résolution de doña Ozéma, son honneur aurait été terni par une retraite, ou sa vie sacrifiée. C’est une rare créature, Señorita, et vous l’aimerez comme une sœur lorsque vous l’aurez vue et que vous la connaîtrez.

— Sancho, dit notre héroïne en rougissant, tu as dit que le comte de Llera t’avait ordonné de parler de lui à sa tante ; n’a-t-il pas parlé d’une autre personne ?

— Non, Señorita.

— En es-tu bien certain, Sancho ? — Réfléchis bien. Ne t’a-t-il cité aucun autre nom ?

— Non, je puis le jurer. Il est vrai que lui, ou le vieux Diégo, le timonier, m’a parlé d’une Clara qui tient une hôtellerie ici à Barcelone, et qui est fameuse pour son vin ; mais je pense que ce doit être plutôt Diégo que le comte ; car le premier s’occupe beaucoup de pareilles choses, et l’autre ne peut rien savoir de Clara.

— Tu peux te retirer, Sancho, dit Mercédès d’une voix faible. Nous t’en dirons davantage demain matin.

Sancho ne fut pas fâché d’être congédié, et il retourna gaiement à son lit, ne se doutant guère du mal qu’il avait causé par ce mélange de vérité et d’exagération qui caractérise son récit.