Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/429

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— Puisque vous montrez tant de curiosité, Señores, relativement au voyage de Colomb, maintenant amiral des Indes, suivant le brevet que lui ont accordé Leurs Altesses, je vous satisferai en partie, en vous racontant tout ce que je sais, dit don Luis avec un ton calme et de dignité. Vous savez que je voyais souvent don Christophe avant son départ, et que même j’ai tant soit peu contribué à le ramener à Santa-Fé, quand on l’en croyait parti pour toujours. Notre intimité s’est renouvelée depuis l’arrivée du grand navigateur génois à Barcelone, et nous avons passé bien des heures tête à tête, discourant sur tous les événements de son voyage. Je suis prêt à vous faire part de tout ce que j’ai appris ainsi, si vous êtes disposés à m’écouter.

Toute la compagnie lui ayant témoigné son empressement de l’entendre, il commença une relation du voyage, et en détailla à ses auditeurs les circonstances les plus capables de les intéresser. Il les conduisit d’île en île, en indiquant leurs productions, réelles ou imaginaires. Une grande partie de son récit, qui dura pendant une heure, avait pour base des méprises causées par ce que ni l’amiral ni lui ne comprenaient bien les signes et le langage des Indiens ; mais il s’exprimait avec clarté, en termes élégants, sinon éloquents, et avec un air de vérité qui produisit le plus grand effet. En un mot, notre héros fit passer le résultat de ses propres observations pour la relation de l’amiral, et plus d’une fois ses descriptions pleines de vivacité et de fraîcheur furent interrompues par des exclamations d’admiration et de plaisir. Sancho lui-même l’écouta avec une satisfaction évidente, et quand Luis eut cessé de parler, il se leva en s’écriant :

— Et vous pouvez croire tout cela, Señores, comme paroles d’évangile. Le noble Señor eût-il vu lui-même tout ce qu’il vient de vous décrire, il n’aurait pu y mettre plus de vérité. Je me regarde comme très-heureux de l’avoir entendu raconter cette histoire du voyage, car ce sera désormais la mienne, mot pour mot ; et puisse mon saint patron m’oublier, si je raconte autre chose aux commères de Moguer quand je serai de retour dans cette bienheureuse ville où j’ai passé mon enfance !

Un des effets de la relation de Luis fut de diminuer l’importance de Sancho. Pierre Martir déclara que la manière dont ce jeune seigneur avait rendu compte du voyage, aurait fait honneur à un savant qui eût été de l’expédition. On adressa quelques questions au vieux marin, pour voir s’il confirmerait tous