Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/434

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sentiments d’une bonne mère et en remplissant les devoirs. Enfin, les embrassant l’une après l’autre, elle leur donna sa bénédiction, et se retira sans plus d’apparat que lors de son arrivée. Cependant, au lieu de retourner dans son appartement, la reine se rendit dans une autre partie du palais, et s’arrêtant devant une porte, y frappa légèrement. Une voix douce lui ayant dit d’entrer, Isabelle se trouva seule avec son ancienne et fidèle amie, la marquise de Moya. La reine fit un geste qui interdisait tout témoignage extérieur de respect, et connaissant la volonté de sa souveraine à cet égard, doña Béatrix la reçut comme elle eût reçu une égale.

— Marquise ma fille, lui dit Isabelle en posant sur une table sa petite lampe d’argent, nous avons eu une journée tellement remplie par des affaires d’une nature agréable, que j’ai presque oublié un devoir que je ne dois pas négliger. Votre neveu, le comte de Llera, est revenu à la cour et s’y est comporté avec autant de modestie et de prudence que s’il n’avait eu aucune part aux glorieux succès de Colomb.

— Luis est ici, Señora ; mais qu’il soit modeste et prudent, je laisse le soin d’en juger à ceux qui doivent avoir moins de partialité que moi en sa faveur.

— Toute sa conduite me semble le prouver ; et, après les grands résultats d’un pareil voyage, on peut pardonner un peu d’exaltation à un jeune esprit. Mais je suis venue pour vous parler de votre neveu et de votre pupille. Don Luis a donné une preuve de persévérance, de courage, qui ne permet plus d’élever aucune objection contre leur mariage. Vous savez que doña Mercédès m’a donné sa parole de ne pas se marier sans mon consentement ; je veux, ce soir même, la rendre aussi heureuse que je le suis moi-même, en la laissant maîtresse de son propre choix, et même en lui disant que je désire la voir comtesse de Llera le plus tôt possible.

— Votre Altesse est remplie de bonté pour moi et pour les miens, répondit la marquise d’un ton un peu froid. Mercédès doit être profondément reconnaissante de ce que sa souveraine peut donner une pensée à son bonheur, au milieu de tant d’intérêts d’une plus haute importance qui réclament son attention.

— C’est ce motif, ma chère amie, qui m’amène si tard auprès de vous. Mon âme est véritablement accablée sous le poids de ma gratitude envers le ciel ; et avant de me coucher, je voudrais