Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/438

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convulsif qui agita de nouveau tout le corps de notre héroïne était bien capable de le lui rappeler, et la reine la pressa sur son cœur aussi tendrement qu’elle y eût pressé la princesse Juana elle-même.

— Que voulez-vous, Señora ? dit la marquise avec amertume : en jeune homme inconsidéré et sans principes, Luis a décidé une jeune princesse indienne à abandonner son pays et ses parents, sous prétexte d’ajouter au triomphe de l’amiral, mais en réalité pour obéir à une inclination subite, pour satisfaire un de ces caprices qui font des hommes ce qu’ils sont réellement, et rendent de malheureuses femmes leurs dupes et leurs victimes.

— Une princesse indienne, dites-vous ? — L’amiral nous en a présenté une, mais elle est déjà mariée, et ne pourrait en aucune façon être la rivale de doña Mercédès de Valverde.

— Ah ! chère Señora, celle dont vous parlez ne peut se comparer à l’autre. Ozéma, — c’est le nom de cette princesse indienne, — Ozéma est un être tout différent, et ses droits à la beauté sont incontestables. Si la beauté pouvait suffire pour justicier la conduite de ce jeune homme, il ne serait pas tout à fait sans excuse.

— Comment savez-vous cela, Béatrix ?

— Parce que Luis l’a amenée ici, Votre Altesse ; elle est dans cet appartement. Mercédès l’a reçue comme une sœur, tandis que la vue de cette étrangère lui perce le cœur.

— Ici ! dites-vous, marquise ? Mais en ce cas, il ne peut exister aucune liaison criminelle entre ce jeune inconsidéré et cette étrangère. Votre neveu n’aurait osé offenser à un tel point la vertu et l’innocence.

— Je ne l’en accuse pas, Señora. C’est sa légèreté, sa cruauté irréfléchie, qui me met en courroux contre lui. Jamais je n’ai cherché à inspirer à ma pupille des sentiments favorables pour don Luis, car je ne voulais pas qu’on pût dire que j’avais cherché à amener un mariage si honorable et si avantageux pour notre maison ; mais à présent je désire vivement faire sentir à Mercédès combien il est indigne d’elle.

— Ah ! Señora y ah ! marquise ! murmura Mercédès, Luis n’est pas si coupable. La beauté d’Ozéma, l’absence chez moi des moyens nécessaires pour conserver son cœur, sont les seules causes de son changement.

— La beauté d’Ozéma ! répéta lentement Isabelle. Béatrix, cette