Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/441

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beauté, la reine tressaillit de surprise lorsque ses yeux s’arrêtèrent sur Ozéma. C’était pourtant encore moins la beauté de la jeune Indienne qui l’étonnait que la grâce naturelle de tous ses mouvements, l’heureuse et noble expression de sa physionomie, et l’aisance parfaite de son port et de sa tournure. Ozéma s’était habituée à porter des vêtements dont le poids lui aurait paru accablant à Haïti, la délicatesse de Mercédès sur les souvenances l’ayant portée à donner à sa nouvelle amie diverses parures qui rehaussaient singulièrement sa beauté ; cependant elle portait en écharpe, passé sur une épaule, le riche turban que lui avait donné Luis, comme ce que sa garde-robe renfermait de plus précieux, et la petite croix était suspendue sur son sein, comme le joyau dont elle faisait le plus de cas.

— Cela est incroyable, Béatrix ! s’écria la reine s’arrêtant à un bout de la salle, tandis qu’Ozéma, à l’autre extrémité, s’inclinait pour la saluer avec grâce. Est-il possible qu’un être doué d’une beauté si rare ait une âme qui ne connaît pas son Dieu et son Rédempteur ? Cependant, quelque peu éclairé que puisse être son esprit, son cœur n’a rien de vicieux ni de trompeur.

— Cela est vrai, Señora. En dépit de nos sujets de mécontentement, ma pupille et moi nous l’aimons déjà ; et nous pourrions la serrer sur notre cœur ; Mercédès, comme le ferait une sœur ; moi, comme le ferait une mère.

— Princesse, dit la reine en s’avançant avec un air de dignité calme vers l’endroit où Ozéma se tenait debout, les yeux baissés, et le corps légèrement incliné ; — princesse, vous êtes la bienvenue dans nos domaines : l’amiral a montré tout son discernement en ne classant pas une personne de votre rang, et qui a des droits qu’on ne peut méconnaître, avec les individus de votre pays qu’il a donnés en spectacle aux yeux vulgaires ; oui, il a montré en cela son jugement ordinaire, aussi bien que son respect pour le caractère sacré des souverains.

— L’amirante ! s’écria Ozéma, ses yeux brillant d’intelligence, car elle avait appris depuis longtemps à prononcer le titre de Colomb ; l’amirante, Mercédès, — Isabelle, Mercédès, — Luis, Mercédès, señora reyna.

— Que veut-elle donc dire, Béatrix ? pourquoi la princesse joint-elle le nom de Mercédès à celui de l’amiral, au mien, et même à celui du jeune comte de Llera ?

— Señora, il paraît que par suite de quelque étrange illusion,