Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/445

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innocents d’Ozéma ne permettaient pas de concevoir le moindre soupçon à cet égard, et Isabelle fut forcée de croire ce qu’elle venait d’entendre. Cependant, pour être plus certaine de ce fait, elle continua à l’interroger pendant près d’une demi-heure, et toujours avec le même résultat.

Quand la reine se leva pour se retirer, elle embrasse la princesse, — car elle qualifiait ainsi cette fille de la nature sauvage, sortant d’un état de société inconnu et tout nouveau pour les Européens, — et elle pria pieusement le ciel de lui éclairer l’esprit, et d’assurer la paix future de son cœur. En rentrant dans l’appartement de la marquise, elle y trouva cette fidèle amie qui l’attendait, doña Béatrix n’ayant pas voulu se coucher sans savoir quelle impression avait pu faire sur Isabelle sa conversation avec Ozéma.

— Les choses sont encore pires que nous ne le pensions, dit Isabelle pendant que la marquise fermait la porte. Votre neveu, inconstant et sans âme, a déjà épousé l’Indienne, et elle est dès à présent son épouse légitime

— Señora, il doit y avoir ici quelque méprise. Ce jeune inconsidéré n’aurait jamais osé me tromper ainsi, — et cela en présence de Mercédès elle-même !

— Il est plus naturel, marquise ma fille, qu’il ait placé sa femme sous vos soins, qu’une personne qui aurait eu sur lui des droits moins forts. Mais il ne peut y avoir aucune méprise : j’ai questionné la princesse à plusieurs reprises, et il ne me reste aucun doute qu’ils n’aient été mariés avec tous les rites religieux. Il n’est pas toujours très-facile de bien comprendre ce qu’elle dit ; mais elle m’a déclaré ce fait plusieurs fois, et très-distinctement.

— Votre Altesse ! — un chrétien peut-il contracter mariage avec une femme qui n’a pas encore été baptisée ?

— Certainement non, aux yeux de l’Église, qui sont en quelque sorte les yeux de Dieu. Mais je suis portée à croire qu’Ozéma a reçu le saint sacrement du baptême, car elle me montrait souvent la croix qu’elle porte, en me parlant de son union avec votre neveu. D’après les allusions qu’elle y a faites, j’ai compris qu’elle disait qu’avant de devenir son épouse elle était devenue chrétienne.

— Et cette croix, Senora, c’était un présent fait par Mercédès à mon indigne neveu, — un présent qu’il reçut à l’instant de son