Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/455

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— J’en conviens, Señora. Est-ce une faute de songer à ce qui est la conséquence honorable d’un amour né il y déjà si longtemps ; d’un amour que j’espérais voir bientôt couronner avec votre approbation ?

— Voilà donc ce que je craignais, Béatrix ! s’écria Isabelle ; cette créature si aimable, quoique encore plongée dans les ténèbres, a été lâchement trompée par un faux mariage ; car nul sujet de la couronne de Castille n’oserait parler ainsi de mariage en ma présence, s’il était déjà uni à une autre femme par des nœuds légitimes. Le plus grand débauché de toute l’Espagne n’oserait braver ainsi l’Église et le trône.

— Señora, s’écria Luis, Votre Altesse parle bien cruellement, quoique ce soit en énigmes. M’est-il permis de demander si c’est à moi que s’appliquent des remarques si sévères ?

— De quel autre parlerions-nous ? À quel autre ferions-nous allusion ? Votre conscience doit vous faire sentir la justice de nos reproches, jeune homme pervers ; et pourtant vous osez braver votre souveraine et cette jeune et angélique Castillane, en montrant un front aussi hardi que si la candeur et l’innocence pouvaient encore s’y peindre !

— Señora, je ne suis pas un ange, quoique je sois prêt à reconnaître Mercédès pour une créature angélique, — je ne suis pas même un saint doué d’une pureté parfaite ; — en un mot, je ne suis que Luis de Bobadilla ; mais je suis aussi loin de mériter ces reproches que de mériter la couronne du martyre. Permettez-moi de vous demander humblement de quoi je suis accusé.

— Vous êtes accusé, ou d’avoir trompé par un faux mariage cette innocente et confiante princesse indienne, ou d’avoir insolemment bravé votre souveraine en lui parlant de votre désir d’épouser une noble et riche héritière castillane, quand votre foi est déjà engagée à une autre par des vœux légitimes, prononcés aux pieds de l’autel. Vous savez vous-même duquel de ces deux crimes vous êtes coupable.

— Et vous, ma tante, — cet vous, Mercédès, — me croyez-vous aussi coupable de ce dont on m’accuse ?

— Je crains que cela ne soit que trop vrai, répondit la marquise d’un ton froid. Les preuves sont si claires qu’un Sarrasin même ne pourrait refuser d’y croire.

— Et vous, Mercédès ?

— Non, Luis, répondit la généreuse Castillane avec une cha-