Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/458

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d’un grand d’Espagne dépend du résultat de cette enquête, et il est juste de lui accorder tous les moyens possibles de se justifier, s’il le peut, d’une offense si grave. — Comte de Llera, vous pouvez faire à la princesse, en notre présence, toutes les questions que vous jugerez convenables.

— Señora, il siérait mal à un chevalier d’entrer dans la lice contre une dame, et surtout contre une dame qui se trouve dans la situation de cette étrangère, répondit Luis avec fierté et en rougissant ; car il sentait qu’Ozéma ne serait pas en état de cacher sa prédilection pour lui. — Si vous jugez qu’il soit nécessaire de lui faire de nouvelles questions, c’est une fonction qui serait plus convenablement remplie par un autre que moi.

— Comme c’est moi qui devrai m’acquitter du devoir pénible de punir, dit la reine d’un ton calme, je me chargerai aussi de cette tâche peu agréable. — Señor amiral, nous ne devons chercher à nous soustraire à aucune des obligations qui nous rapprochent du plus grand des attributs de Dieu, la justice. — Princesse, vous avez dit que don Luis est votre mari, et que vous vous considérez comme sa femme. Quand et où vous êtes-vous présentée avec lui devant un prêtre ?

On avait déjà fait tant de tentatives pour convertir Ozéma au christianisme, qu’elle connaissait mieux les expressions employées dans le langage religieux qu’aucune autre partie de la langue espagnole, quoiqu’elles ne présentassent à son esprit qu’un tableau confus d’obligations imaginaires et d’idées mystiques. Comme il arrive à toutes les personnes peu familiarisées avec les abstractions, sa piété se rattachait aux formes plutôt qu’aux principes, et elle était plus disposée à admettre l’importance des cérémonies de l’Église que la nécessité de la foi. Elle comprit donc la question de la reine, et elle y répondit ingénument et sans le moindre désir de tromper.

— Luis épousé Ozéma avec croix des chrétiens, dit-elle en pressant contre son cœur le saint emblème de la rédemption que le jeune Espagnol lui avait donné dans un moment de grand péril, comme le lecteur le sait déjà. — Luis penser lui près de mourir, — Ozéma penser elle près de mourir ; — tous deux voulu mourir ensemble mari et femme. — Luis épousé avec croix comme bon chrétien d’Espagne, — Ozéma épousé Luis dans son cœur, comme bonne Haïtienne dans son pays.

— Il y a ici quelque méprise, dit l’amiral, quelque malheu-