CHAPITRE XXX.
uand Isabelle se trouva seule avec Ozéma et Mercédès, — car
elle voulut que la jeune Castillane fût présente à cette explication,
— elle entama le sujet du mariage, avec toute la délicatesse
d’une âme sensible, mais avec une vérité qui rendait toute erreur
impossible. Le résultat de ses observations lui prouva combien
cruellement la jeune Indienne s’était trompée : douée d’une âme
ardente, pleine de franchise, et accoutumée à être regardée
comme un objet d’admiration générale parmi son peuple, Ozéma
s’était imaginé que don Luis éprouvait pour elle le même sentiment
qu’il lui avait inspiré.
Dès leur première entrevue, l’instinct si vif qui appartient à son sexe lui apprit que Luis l’admirait ; et comme elle s’abandonnait sans réserve à son penchant, les fréquentes communications qu’elle avait avec lui durent nécessairement la porter à croire qu’elle était également aimée. Chacun d’eux ignorait la langue de l’autre ; ils ne pouvaient donc s’entendre que par le langage des yeux et des gestes : ce langage muet contribua aussi à sa méprise. On se souviendra, d’ailleurs, que si la constance de Luis tint bon, elle fut du moins mise à une forte épreuve. La fausse signification qu’Ozéma donna au nom de Mercédès contribua beaucoup à une illusion que les soins attentifs que notre héros lui prodiguait en toute occasion augmentaient encore. Le rigide décorum que Luis observait invariablement avec la jeune Indienne, le respect qu’il lui témoignait constamment, ne furent pas non plus sans effet sur elle ; car, si la nature seule avait fait les frais