Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/470

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changer de langage, quelque pénible que cela soit pour moi, vous pouvez être certain que j’oublierai tout ce qui s’est passé, et que mes prières…

Des sanglots lui coupèrent la voix, elle s’arrêta un instant pour essuyer ses larmes, et se dégagea des bras de Luis, qui lui prodiguait ses consolations ; elle le repoussait par un sentiment d’inquiétude jalouse sur le résultat de l’entrevue qui allait avoir lieu, mais dans lequel il entrait plus de délicatesse que de ressentiment. Lorsqu’elle eut essuyé ses larmes et calmé son agitation, elle conduisit Luis à l’appartement d’Ozéma, où sa présence était attendue.

Luis tressaillit en entrant dans la chambre, lorsqu’il y vit la reine et l’amiral, et bien plus encore en apercevant les ravages que le chagrin avait produits sur Ozéma. Une pâleur mortelle avait remplacé la fraîcheur de ses joues ; ses yeux brillaient d’un éclat qui semblait surnaturel, et cependant sa faiblesse était si grande, qu’elle ne pouvait se soutenir, à demi assise, qu’à l’aide d’oreillers. Une exclamation de joie échappa à l’infortunée sitôt qu’elle eut aperçu notre héros ; puis elle se couvrit le visage de ses deux mains, dans une confusion enfantine, comme si elle était honteuse de trahir le plaisir qu’elle ressentait. Luis supporta cette vue avec la force d’un homme, car bien que sa conscience ne fût pas absolument en repos, au souvenir des heures oisives qu’il avait passées dans la société d’Ozéma, et de l’influence que sa beauté et sa naïveté séduisantes avaient exercée momentanément sur son esprit, cependant il ne se sentait pas réellement coupable de ce qu’on aurait pu appeler une faute, et particulièrement d’aucune pensée qui l’eût rendu infidèle à l’objet de son premier amour, ou d’aucun projet de séduction. Il prit avec respect la main de la jeune Indienne, et la baisa avec une franchise et une tendresse qui annonçaient l’affection d’un frère, plutôt que la passion ou l’émotion d’un amant. Mercédès n’avait pas cherché à observer la contenance de don Luis ; mais elle remarqua le regard approbateur que la reine jeta à sa tutrice au moment où il s’approcha du lit d’Ozéma. Elle interpréta ce regard comme un signe que la conduite du comte ne démentait pas les protestations qu’il venait de lui faire.

— Vous trouvez Ozéma bien faible, dit la reine, pouvant seule rompre un silence qui commençait à devenir pénible. Nous avons essayé d’éclairer son esprit naïf et simple sur les mystères de la