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DEERSLAYER

— Vous vous trompez, Judith, dit tranquillement Hetty ; j’ai vu mon père en lever le couvercle.

Un sentiment de retenue ferma la bouche du jeune chasseur. Il n’aurait pas hésité à aller au-delà de ce qu’on aurait cru les bornes des convenances en questionnant la sœur aînée, mais il se fit un scrupule de chercher à profiter de l’esprit faible de la cadette. Mais Judith, n’éprouvant pas la même contrainte, se tourna sur-le-champ vers sa sœur et continua la conversation.

— Quand avez-vous vu mon père ouvrir cette caisse, Hetty ?

— Bien des fois. Mon père l’ouvre bien souvent quand vous n’êtes pas ici ; et il s’inquiète fort peu que je sois présente, que je voie tout ce qu’il fait, et que j’entende tout ce qu’il dit.

— Et que dit-il ? que fait-il ?

— C’est ce que je ne puis vous dire, Judith, répondit Hetty en baissant la voix, mais d’un ton ferme. Les secrets de mon père ne sont pas les miens.

— Ses secrets ! cela est encore plus étrange ! — N’est-il pas singulier, Deerslayer, que mon père fasse connaître ses secrets à Hetty, et qu’il me les cache ?

— Il y a de bonnes raisons pour cela, Judith, quoique vous ne deviez pas les savoir. Mon père n’est pas ici pour répondre, et je ne dirai plus un mot sur ce sujet.

Judith et Deerslayer parurent surpris, et pendant quelques instants la sœur aînée eut l’air piqué. Mais, reprenant tout à coup son sang-froid, elle se détourna de sa sœur, comme par pitié pour sa faiblesse d’esprit, et s’adressa au jeune chasseur.

— Vous ne nous avez conté que la moitié de votre histoire, lui dit-elle ; vous en êtes resté à l’endroit où vous vous êtes endormi dans la pirogue, ou, pour mieux dire, à celui où vous vous êtes levé en entendant le cri d’un loon. Nous avons aussi entendu ces oiseaux, et nous avons pensé que leurs cris pouvaient annoncer une tempête, quoiqu’il y en ait bien rarement sur ce lac dans cette saison de l’année.

— Le vent souffle et la tempête gronde quand il plaît à Dieu, tantôt dans une saison, tantôt dans une autre, et les loons parlent suivant leur nature. Après m’être levé pour écouter ce cri, étant assuré que ce ne pouvait être le signal de Hurry, je me recouchai et je m’endormis. Quand l’aurore parut, je me levai, et je donnai la chasse aux deux pirogues, de peur que les Mingos ne s’en emparassent.

— Ce n’est pas encore tout, Deerslayer ; nous avons entendu des