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OU LE TUEUR DE DAIMS.

Chingachgook, jeune guerrier indien, ayant l’air noble, une grande taille, de beaux traits, et taillé en athlète, examina d’abord son mousquet avec soin, et en ouvrit le bassinet, pour s’assurer que l’amorce n’était pas mouillée. Une fois certain de ce fait important, il jeta des regards furtifs et observateurs autour de lui, sur l’étrange habitation et sur les deux sœurs ; mais il ne parla pas, et avant tout il évita de trahir une curiosité de femme en faisant des questions.

— Judith et Hetty, dit Deerslayer avec une politesse naturelle et sans apprêt, voici le chef mohican dont vous m’avez entendu parler, Chingachgook, ainsi qu’on l’appelle, ce qui signifie le grand serpent, ainsi nommé pour sa sagesse, sa prudence et sa dextérité ; il est en outre mon plus ancien ami. Je savais que ce devait être lui par la plume de faucon qu’il porte au-dessus de l’oreille gauche, tandis que la plupart des autres guerriers la portent dans la touffe de guerre.

Après avoir cessé de parler, Deerslayer se mit à rire de tout cœur, plutôt peut-être par suite du ravissement qu’il éprouvait à voir son ami sain et sauf à son côté après une épreuve aussi rude, que par l’effet d’aucune idée plaisante qui se présentât à son esprit ; et cette manifestation de sentiment fut assez remarquable, en ce que sa gaieté ne fut accompagnée d’aucun éclat bruyant.

Quoique Chingachgook entendît et parlât l’anglais, il n’aimait pas à s’en servir pour communiquer ses pensées, semblable en cela au plus grand nombre des Indiens ; et après avoir reçu un serrement de main cordial de Judith et un salut plus réservé de Hetty, de la manière affable qui convient à un chef, il se détourna comme pour attendre le moment où il plairait à son ami d’entrer en explication sur ses projets futurs, et de lui faire le récit de ce qui s’était passé depuis leur séparation. Deerslayer comprit son intention, et il fit connaître son opinion sur l’affaire en question en s’adressant aux deux sœurs.

— Cette brise tombera bientôt tout à fait, maintenant que le soleil est couché, dit-il, et il est inutile de ramer contre le vent. Dans une demi-heure ou environ, nous aurons un calme plat, ou bien la brise du sud viendra de la terre, et alors nous commencerons à retourner vers le château. En attendant, le Delaware et moi nous parlerons d’affaires, et nous nous communiquerons réciproquement nos idées précises sur ce que nous avons à faire.

Personne ne s’opposa à cette proposition, et les sœurs se retirèrent dans la cabine pour préparer le repas du soir, tandis que les deux jeunes gens s’assirent sur l’avant du scow et se mirent à cau-