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DEERSLAYER
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eut atteint son but, Hist se retira à l’écart, et, guidée par une attention délicate et une tendresse de sœur, elle se mit à préparer un repas qui devait être offert à sa nouvelle amie, aussitôt que celle-ci pourrait venir le partager. Néanmoins, au milieu de ces occupations, la prudente fille ne ralentit pas sa vigilance ; elle observa chaque changement de physionomie des chefs, chaque mouvement de Hetty, et les plus légères circonstances qui pouvaient influer sur ses propres intérêts ou sur ceux de sa nouvelle amie.

Pendant que Hetty s’approchait des chefs, ceux-ci ouvrirent leur cercle avec une aisance et une déférence de manières qui eût fait honneur à des hommes d’une origine plus distinguée. L’un des guerriers les plus âgés fit doucement signe à la jeune fille de s’asseoir sur un tronc d’arbre qui se trouvait près de là, et il prit place à côté d’elle, avec un air de bienveillance paternelle ; les autres se placèrent autour d’eux, avec une grave dignité. Alors la jeune fille, qui eut assez d’intelligence pour comprendre ce qu’on attendait d’elle, se mit à faire connaître le but de sa visite. Cependant, aussitôt qu’elle ouvrit la bouche pour parler, le vieux chef lui fit doucement signe de s’arrêter, et après avoir dit quelques mots à l’un des chefs plus jeunes que lui, il attendit patiemment et en silence que ce dernier eût fait venir Hist au milieu d’eux. Le chef avait occasionné cette interruption, en s’apercevant qu’un interprète était nécessaire, car quelques-uns seulement des Hurons présents comprenaient la langue anglaise, et encore n’était-ce qu’imparfaitement.

Wah-ta !-Wah ne fut pas fâchée d’être mandée pour assister à cette entrevue, et surtout pour y jouer le rôle dont on la chargeait. Elle n’ignorait pas les risques qu’elle courrait en essayant de tromper un ou deux des chefs présents ; mais elle n’en fut pas moins résolue à faire usage de tous les moyens qui s’offriraient, et d’avoir recours à toutes les ruses que peut inspirer une éducation indienne, pour cacher le fait de la présence de son fiancé dans le voisinage, et les motifs qui l’y avaient amené. Quelqu’un d’étranger aux expédients et aux inventions de la vie sauvage, n’aurait pas soupçonné la promptitude d’imagination, la prudence d’action, la résolution énergique, les nobles impulsions, le profond dévouement personnel et l’abnégation totale de soi-même quand le cœur se trouvait en jeu, qui étaient cachés sous les regards réservés, l’œil doux, et les sourires rayonnants de la jeune beauté indienne. Comme elle s’avançait vers eux, le vieux guerrier la regarda avec plaisir ; car c’était avec un secret orgueil qu’ils espéraient tous greffer une belle branche sur le tronc de leur propre nation ; en effet, l’adoption est