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DEERSLAYER

motifs et des intentions de leurs prisonniers ne produisit aucun effet sensible sur les traits et les sentiments des membres de l’assemblée. Ils regardèrent probablement cette conduite comme méritoire, et ils ne se sentirent pas disposés à blâmer chez les autres ce que chacun d’eux n’aurait pas hésité à faire lui-même.

— Maintenant, Hist, reprit Hetty dès qu’elle s’aperçut que ses premières explications avaient été comprises par les chefs, vous pouvez leur apprendre quelque chose de plus. Ils savent que mon père et Hurry n’ont pas réussi, et par conséquent ils ne peuvent avoir aucun sujet de ressentiment contre eux, puisque aucun mal n’a résulté de leur projet. S’ils avaient massacré leurs femmes et leurs enfants, ce serait différent ; et je ne suis pas éloignée de croire que ce que je vais leur dire aurait eu plus de poids si quelque offense avait été commise. Mais demandez-leur en premier lieu, Hist, s’ils savent qu’il existe un Dieu qui règne sur toute la terre, et qui est le chef souverain de tous ceux qui vivent, qu’ils soient rouges, blancs, ou de toute autre couleur ?

Wah-ta !-Wah parut un peu surprise de cette question ; car la pensée du Grand-Esprit est rarement longtemps absente de l’esprit d’une fille indienne. Cependant, elle fit cette question aussi littéralement que possible, et elle reçut une réponse affirmative, faite d’un ton grave et solennel.

— C’est bien, continua Hetty, et ma tâche sera maintenant facile. Ce Grand-Esprit, ainsi que vous appelez notre Dieu, a voulu qu’il fût écrit un livre que nous nommons la Bible ; dans ce livre ont été tracés tous ses commandements, sa volonté sainte et son bon plaisir, ainsi que les principes auxquels les hommes doivent conformer leur conduite, et les moyens de gouverner les pensées elles-mêmes, les désirs et la volonté. Voici ce livre saint, et il faut que vous disiez aux chefs que je vais leur lire quelques passages de ses pages sacrées.

En finissant, Hetty déroula révérencieusement une petite Bible anglaise enveloppée dans un morceau de gros calicot, et elle ouvrit le volume avec cette sorte de respect extérieur qu’un catholique romain serait enclin à montrer pour une relique. Pendant qu’elle était ainsi occupée, les farouches guerriers épiaient tous ses mouvements avec un puissant intérêt, et un ou deux laissèrent échapper une légère expression de surprise à la vue du petit volume. Mais Hetty l’offrit en triomphe à leurs regards, comme si elle eût espéré que cette vue produirait un miracle visible ; puis, sans montrer ni surprise ni mortification en voyant le stoïcisme des Indiens, elle se