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DEERSLAYER

elle avait coutume de le faire dans les jours de leur enfance et de leur innocence. Quant à Hetty, elle fut moins émue, car il n’y avait pas de surprise pour elle, et son énergie était soutenue par la pureté et la sainteté de ses motifs. Sur l’invitation de sa sœur, elle prit un siège, et elle commença le récit de ses aventures depuis l’instant de leur séparation. Elle en était seulement aux premiers mots de son histoire, quand Deerslayer revint, et il se mit aussi à écouter attentivement, tandis que le jeune Iroquois restait debout près de la porte, aussi indifférent en apparence à ce qui se passait, qu’un des troncs d’arbres qui formaient le plafond de la chambre.

Le récit de la jeune fille fut assez intelligible jusqu’à ce qu’elle arrivât à l’endroit où nous la laissâmes dans le camp, après son entrevue avec les chefs, et au moment où Hist la quitta de la manière brusque dont nous avons parlé. Nous lui laisserons le soin de raconter elle-même la suite de l’histoire.

— Pendant que je lisais des textes de la Bible aux chefs, Judith, vous n’auriez pu voir qu’ils changeaient de façon de penser ; mais si vous plantez de la semence, elle poussera. Dieu a planté les semences de tous les arbres.

— Ah ! c’est vrai, c’est vrai, murmura Deerslayer, et il en est résulté une riche moisson.

— Dieu a planté les semences de tous les arbres, continua Hetty après un moment de pause, et vous voyez à quelle hauteur ils sont parvenus, et quel ombrage ils donnent ! Il en est ainsi de la Bible : vous pouvez en lire un verset cette année, puis l’oublier, et il vous reviendra à l’esprit dans un an d’ici, quand vous songerez le moins à vous le rappeler.

— Et avez-vous rien trouvé de semblable parmi les sauvages, pauvre Hetty ?

— Oui, Judith, plus tôt et plus complètement que je ne l’avais même espéré. — Je ne restai pas longtemps avec mon père et Hurry, et nous allâmes déjeuner, Hist et moi. Aussitôt que nous eûmes fini, les chefs vinrent à nous, et nous trouvâmes alors les fruits des semences qui avaient été plantées. Ils dirent que ce que j’avais lu dans le bon livre était juste, — que cela devait être juste, — que cela semblait juste, et produisait à leurs oreilles l’effet d’un doux chant d’oiseau ; puis ils me dirent de retourner sur mes pas et de rapporter leurs paroles au grand guerrier qui avait massacré un de leurs braves ; de vous le dire à vous aussi, et de vous assurer combien ils seraient heureux de venir au temple ici, dans le château, ou bien de venir au soleil, pour m’entendre lire les passages du