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DEERSLAYER

caisse, et plaça tout à coup deux des tours devant lui. Jusqu’à ce moment, le jeune sauvage n’avait pas manifesté la moindre émotion. Il y avait en ce lieu et dans le voisinage une foule de choses nouvelles pour lui, mais il avait conservé son sang-froid avec le calme d’un philosophe. À la vérité, Deerslayer avait surpris son œil noir examinant la construction du château et les armes ; mais cette inspection avait été faite d’un air si innocent, d’une manière si indolente et si enfantine, qu’aucun homme, à moins d’avoir été, comme Deerslayer, formé à pareille école, n’en eût même soupçonné l’objet. Cependant, dès que les regards du sauvage tombèrent sur les figures d’ivoire, représentant des animaux merveilleux et inconnus, la surprise et l’admiration s’emparèrent de lui. On a souvent raconté l’effet que produisaient à la première vue les babioles de la vie civilisée sur les insulaires de la mer du Sud ; mais le lecteur ne doit pas le comparer à ce qu’éprouvent les Indiens américains en semblables circonstances. Dans l’occasion dont nous parlons, le jeune Iroquois, ou Huron, laissa échapper une exclamation de ravissement ; puis il se modéra, comme le ferait quelqu’un coupable d’un manque de décorum. Après cela, ses yeux, au lieu d’errer à l’aventure, se fixèrent immobiles sur les éléphants ; et après une courte hésitation, il osa même en prendre un dans sa main. Deerslayer le laissa faire pendant dix bonnes minutes, sachant bien que le jeune homme examinait ces curiosités de façon à pouvoir, à son retour, en donner à ses chefs la description la plus exacte et la plus minutieuse. Lorsqu’il jugea qu’il lui avait laissé assez de temps pour produire l’effet désiré, le chasseur posa un doigt sur le genou nu du jeune garçon, dont il voulait attirer sur lui l’attention.

— Écoutez, dit-il, j’ai besoin de causer avec mon jeune ami du Canada. Qu’il oublie une minute cette merveille.

— Où est l’autre Face-Pâle ? demanda le jeune homme en levant les yeux, et en trahissant involontairement la pensée qui avait tenu la première place dans son esprit avant d’avoir vu les éléphants.

— Il dort ; ou s’il n’est pas endormi, il est dans la chambre où les hommes dorment, répondit Deerslayer. — Comment mon jeune ami sait-il qu’il y en a un autre ici ?

— Je l’ai vu du rivage. Les Iroquois ont de longs yeux, ils voient au-delà des nuages. — Ils voient le fond de la grande source !

— Bon, les Iroquois sont les bien-venus. Deux Faces-Pâles sont prisonniers dans le camp de vos pères, jeune homme.

Le jeune Indien fit un signe affirmatif, en ayant l’air de traiter