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OU LE TUEUR DE DAIMS.

cette circonstance avec une grande indifférence ; cependant, un instant après, il se mit à rire, comme s’il se fût réjoui de l’adresse supérieure de sa tribu.

— Pouvez-vous me dire ce que vos chefs ont intention de faire de ces captifs, ou bien n’ont-ils pas encore pris un parti ?

Le jeune homme regarda un moment le chasseur d’un air un peu étonné, puis il mit tranquillement le bout de son index sur sa tête, juste au-dessus de l’oreille gauche, et il le passa autour de son crâne, avec une exactitude et une précision qui montraient quelles excellentes leçons il avait reçues dans cet art particulier à sa race.

— Quand ? demanda Deerslayer dont la colère s’enflamma à cette froide manifestation d’indifférence pour la vie humaine. — Et pourquoi ne pas les emmener dans vos wigwams ?

— Le chemin est trop long et trop plein de Faces-Pâles. Nos wigwams sont pleins, et les chevelures se vendent cher. Une petite chevelure vaut beaucoup d’or.

— Bien, cela l’explique, oui, cela suffit à l’expliquer. Il n’est pas besoin de parler plus clairement. Maintenant, vous savez que le plus vieux de vos prisonniers est le père de ces deux jeunes filles, et que l’autre est le prétendu de l’une d’elles. Elles désirent naturellement sauver les chevelures de pareils amis, et elles donneront ces deux créatures d’ivoire pour leur rançon, une pour chaque chevelure. Retournez dire cela à vos chefs, et apportez-moi leur réponse avant le coucher du soleil.

Le jeune homme entra dans ces vues avec zèle et avec un air de sincérité qui ne permettait pas de douter qu’il ne s’acquittât de sa commission avec intelligence et promptitude. Il oublia un moment son amour de la gloire, et toute l’animosité de sa race contre les Anglais et leurs Indiens, dans son désir d’avoir un tel trésor dans sa tribu ; de sorte que Deerslayer fut satisfait de l’impression qu’il avait produite. Le jeune homme proposa, il est vrai, d’emporter un des éléphants pour faire juger de l’autre ; mais celui qui négociait avec lui avait trop de sagacité pour y consentir, sachant bien que l’éléphant pourrait ne jamais parvenir à sa destination, s’il était confié à de pareilles mains. Cette petite difficulté fut bientôt aplanie, et le jeune Indien se disposa à partir. Arrivé sur la plate-forme, et prêt à sauter sur le radeau, il hésita et se retourna tout court, en proposant d’emprunter une pirogue, comme le moyen le plus propre à abréger la négociation. Deerslayer refusa tranquillement la requête, et après avoir tardé quelques moments encore, l’Indien s’éloigna lentement du château en ramant, et en se diri-