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DEERSLAYER

avançait lentement, et cette circonstance devait, dans le cas d’une collision, donner une très-grande supériorité à l’arche, dont le mouvement était comparativement léger et rapide. Comme on avait assez de temps pour se disposer à recevoir les deux visiteurs, tout fut préparé bien avant qu’ils fussent assez près pour être hélés. Les deux sœurs se retirèrent dans la maison, ainsi que le Serpent qui se tint près de la porte, bien muni de mousquets, pendant que Judith observait ce qui se passait au dehors par une ouverture en forme de meurtrière. Quant à Deerslayer, il avait porté un tabouret au bord de la plate-forme, au point vers lequel le radeau s’avançait, et il s’était assis avec sa carabine négligemment appuyée entre ses jambes.

Tandis que le radeau approchait, les habitants du château s’efforcèrent par tous les moyens possibles de s’assurer si leurs visiteurs avaient des armes à feu. Ni Deerslayer ni Chingachgook ne purent en apercevoir ; mais Judith, ne voulant pas s’en rapporter seulement aux yeux, passa la longue-vue par l’ouverture, et la dirigea sur des branches de chêne noir placées entre deux poutres du radeau, sur lequel elles formaient une espèce de plancher, ainsi qu’un banc pour les rameurs. Quand le lourd radeau se trouva à environ cinquante pieds, Deerslayer héla les Hurons en leur disant de ne pas ramer plus longtemps, attendu que son intention n’était pas de les laisser débarquer. Obligés de se conformer à cette injonction, les deux guerriers, à l’air rébarbatif, quittèrent aussitôt leurs sièges, bien que le radeau continuât d’approcher lentement, jusqu’à ce que la dérive l’eût porté beaucoup plus près de la plate-forme.

— Êtes-vous chefs ? demanda Deerslayer avec dignité ; êtes-vous chefs ? ou bien les Mingos m’ont-ils envoyé des guerriers sans noms pour remplir une telle mission ? S’il en est ainsi, plus vous vous hâterez de vous en retourner, plus nous pourrons espérer voir arriver bientôt celui avec lequel pourra s’entretenir un guerrier.

— Hugh ! s’écria le plus âgé des deux hommes du radeau en promenant ses yeux sur les différents objets visibles dans le château et ses alentours, avec une attention qui montrait combien il était difficile que rien lui échappât. Mon frère est très-fier ; mais Rivenoak est un nom capable de faire pâlir un Delaware.

— Cela est vrai, ou c’est un mensonge, Rivenoak, suivant le cas ; mais probablement je ne pâlirai pas, considérant que je suis né Face-Pâle. Quelle est votre mission, et pourquoi venez-vous sur des arbres qui ne sont pas même creusés ?