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OU LE TUEUR DE DAIMS.

scène ; et même au-delà des parties du rivage qui étaient comparativement basses, le sol s’élevait considérablement, quoiqu’à une plus grande distance.

Mais ce qui distinguait surtout cette scène, c’était son caractère de solitude complète et de repos solennel. De quelque côté qu’on jetât les yeux, on ne voyait que la surface du lac, lisse comme un miroir, un ciel pur et un entourage d’épaisses forêts, dont la végétation était si riche, qu’à peine pouvait-on apercevoir une ouverture dans la forêt ; toute la terre visible, depuis le sommet arrondi des montagnes jusqu’au bord de l’eau, ne présentait qu’une teinte non interrompue de verdure. Comme si la végétation n’eût pas été satisfaite d’un triomphe si complet, les branches des arbres qui bordaient le lac s’élançaient vers la lumière et s’avançaient sur les eaux, de sorte que le long de la côte orientale une pirogue aurait pu faire plusieurs milles sous les branches des chênes, des trembles et des pins ; en un mot, la main de l’homme n’avait encore rien changé, rien détérioré à une scène qui était l’ouvrage de la nature, et qui en ce moment réfléchissait les rayons du soleil ; glorieux tableau de la grandeur des forêts, adouci par l’haleine parfumée de juin, et varié par la présence d’une si belle nappe d’eau.

— C’est un grand spectacle, un spectacle solennel ! c’est une éducation entière de le contempler ! s’écria Deerslayer debout et appuyé sur sa carabine, et regardant à droite, à gauche, au nord, au midi, sur sa tête et à ses pieds, dans toutes les directions que sa vue pouvait prendre ; — pas un arbre n’a été touché même par une Peau Rouge, à ce que je puis voir ; tout a été laissé à la volonté du Seigneur, pour vivre et pour mourir comme il l’a ordonné. — Hurry, votre Judith doit être une jeune fille sage et bien disposée, si elle a passé la moitié du temps que vous dites dans un lieu si favorisé.

— C’est la vérité, et cependant elle a ses caprices. Mais elle n’a pas passé ici tout son temps, car le vieux Tom, avant que je le connusse, avait coutume d’aller passer les hivers dans les environs des établissements et sous les canons des forts. C’est là que Judith a appris des colons, et surtout des galants officiers, tant de choses qu’il aurait mieux valu pour elle qu’elle ignorât.

— En ce cas, et si cela est vrai, Hurry, cet endroit est une école qui peut encore la porter à tourner la tête du bon côté. Mais quel est cet objet que je vois là-bas en face de nous, qui est trop petit pour être une île et trop grand pour une barque, quoiqu’il soit au milieu de l’eau ?

— C’est ce que les officiers du fort appellent le château du Rat-