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DEERSLAYER
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d’échapper était à peu près perdu, car à chaque instant la vieille pouvait lui ordonner de regagner sa couche. Heureusement un des guerriers appela en ce moment la vieille, et lui ordonna de lui apporter de l’eau. Il y en avait une source délicieuse au nord de la pointe, et la sorcière, ayant pris une gourde attachée à une branche, appela Hist près d’elle, puis elles se dirigèrent vers le sommet de la colline dans l’intention de la descendre et de traverser la pointe pour se rendre à la source. Tout cela fut vu et compris par les deux amis, qui reculèrent dans l’ombre, et se cachèrent derrière les arbres pour laisser passer les deux femmes. La vieille tenait la main de Hist serrée dans la sienne, tout en marchant. Au moment où celle-ci passa près de l’arbre qui cachait les deux amis, Chingachgook saisit son tomahawk dans l’intention de briser le crâne de la vieille ; mais Deerslayer sentit le danger d’une pareille tentative, car un seul cri pouvait faire tomber sur eux tous les guerriers, et d’ailleurs un sentiment d’humanité lui faisait rejeter ce moyen. Il retint donc le bras de son ami. Cependant, lorsqu’elles furent un peu plus loin, le signal fut répété, et la Huronne s’arrêta en portant ses regards sur l’arbre d’où le bruit semblait être venu ; elle n’était pas alors à plus de six pieds de ses ennemis. Elle exprima sa surprise qu’un écureuil fût éveillé à une heure si avancée, et elle assura que c’était un mauvais présage. Hist répondit que depuis vingt minutes elle avait entendu trois fois le même écureuil, qui sans doute guettait l’occasion de ramasser les miettes du dernier repas. Cette explication parut satisfaire la vieille, et toutes deux s’avancèrent vers la source, suivies de près et à pas de loup par les deux amis. La gourde remplie, la vieille s’empressait de rebrousser chemin sans lâcher le poignet de la jeune fille, lorsqu’elle fut soudain saisie à la gorge avec tant de violence, qu’elle fut forcée de rendre la liberté à sa prisonnière, sans pouvoir faire entendre autre chose qu’une sorte de râlement étouffé.

Le Serpent entoura d’un bras la taille de sa maîtresse, et l’entraîna à travers les buissons, du côté septentrional de la pointe. Dès qu’il fut sur le rivage, il tourna pour le suivre, et courut sans s’arrêter jusqu’à la pirogue. Il aurait pu prendre un chemin plus direct, mais c’eût été risquer de faire découvrir le lieu de l’embarquement. Pendant ce temps, les doigts de Deerslayer battaient sur le cou de la vieille comme sur les touches d’un buffet d’orgue ; car il les desserrait tant soit peu de temps en temps pour lui permettre de respirer, et au même instant il se hâtait de lui presser la gorge presque jusqu’à l’étouffer. Elle sut pourtant profiter des courts intervalles