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OU LE TUEUR DE DAIMS.

rejoint ses guerriers, il leur communiqua en substance tout ce qu’il venait d’apprendre. L’audace et le succès de leurs ennemis leur inspirèrent, comme à lui, une admiration mêlée de courroux. Trois ou quatre d’entre eux montèrent sur la colline et regardèrent l’arbre, près duquel Deerslayer avait dit que son ami et lui s’étaient postés ; et l’un d’eux descendit même pour aller examiner les traces de pieds qui devaient se trouver sur la terre, afin de vérifier si deux hommes seulement avaient été en cet endroit. Cet examen confirma pleinement le récit du prisonnier, et ils retournèrent près de leur compagnon avec plus de surprise et d’admiration que jamais. Le messager que leur avaient envoyé les autres Hurons campés plus haut sur les bords du lac, et qui était arrivé pendant que Deerslayer et Chingachgook surveillaient leurs mouvements, fut congédié avec une réponse, et remporta sans doute aussi la nouvelle de tout ce qui venait de se passer.

Jusqu’à ce moment, le jeune Indien que Deerslayer et son ami avaient vu avec Hist et une autre Indienne, n’avait cherché à avoir aucune communication avec le prisonnier ; il s’était tenu à l’écart, non-seulement de ses compagnons, mais même des jeunes femmes qui étaient réunies ensemble, à quelque distance des hommes, suivant l’usage, et qui s’entretenaient à voix basse de l’évasion de leur compagne. Peut-être serait-il vrai de dire qu’elles étaient aussi charmées que piquées de cet événement, car leur cœur prenait intérêt aux deux amants, tandis que leur amour-propre aurait désiré le succès complet de leur tribu. Il est possible aussi que les charmes supérieurs de Hist la fissent paraître une rivale dangereuse aux yeux de quelques jeunes filles, et qu’elles ne fussent pas fâchées de ne plus avoir à craindre de perdre leur ascendant. Au total pourtant, le sentiment dominant parmi elles était favorable aux deux amants ; car ni l’état sauvage dans lequel elles vivaient, ni leurs idées sur l’honneur de leur tribu, ni leur condition misérable comme femmes d’Indiens, ne pouvaient entièrement triompher du penchant irrésistible de leur sexe pour les affections du cœur. Une des plus jeunes filles ne put même s’empêcher de rire de l’air inconsolable du jeune Indien, qui pouvait se regarder comme un amant abandonné. Il s’en aperçut, et cette circonstance lui donnant quelque énergie, il s’approcha du tronc d’arbre sur lequel le prisonnier était assis, séchant ses vêtements.

— Voici Catamount[1] ! dit l’Indien, frappant d’une main sa poi-

  1. Chat sauvage.