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DEERSLAYER.

tacle pour une fille, que de voir un père dans une telle situation, et nous n’entrerons dans sa chambre que lorsqu’il sera réveillé.

Un profond gémissement, partant de la chambre en question, changea pourtant cette détermination, et les deux sœurs se hasardèrent à entrer dans la chambre d’un père qu’elles avaient trouvé plus d’une fois dans un état qui le ravalait au niveau des brutes. Il était assis par terre dans un coin de sa chambre, les épaules appuyées contre la muraille, et la tête tombant sur sa poitrine. Une impulsion soudaine fit courir Judith à lui, et elle enleva un bonnet de toile qui lui couvrait toute la tête jusqu’aux épaules. Dès qu’il eut été retiré, les chairs palpitantes et ensanglantées, les veines et les muscles mis à découvert, tous les signes horribles qui s’offrent aux yeux quand la peau ne couvre plus la chair, prouvèrent qu’il avait été scalpé, quoiqu’il vécût encore.



CHAPITRE XXI.


On parlera légèrement de l’esprit qui vient de s’envoler ; on adressera des reproches à ses cendres froides ; mais il s’en inquiétera peu, si on le laisse dormir dans la tombe où un Breton l’a placé.
Anonyme.


Le lecteur peut se figurer l’horreur que durent éprouver des filles à la vue inopinée de l’affreux spectacle qui s’offrit aux yeux de Judith et de Hetty, comme nous l’avons rapporté à la fin du chapitre précédent. Nous passerons par-dessus les premières émotions et les premiers actes de piété filiale, et nous continuerons notre récit, laissant à l’imagination le soin de peindre une telle scène, au lieu d’en rapporter tous les détails. On entoura de bandages la tête mutilée, on lava le sang qui couvrait tout le visage de Hutter, en un mot on lui donna tous les soins que les circonstances rendaient possibles. Il leur apprit ensuite ce qui s’était passé. Les faits étaient fort simples, et quoiqu’ils n’aient été connus que plusieurs années ensuite, autant vaut les rapporter ici brièvement. Dans le commencement de la lutte avec les Hurons, il avait eu affaire au vieux chef qui avait eu la précaution de se faire remettre les armes de ses compagnons, mais qui avait gardé les siennes, et celui-ci se trouvant trop pressé par son adversaire s’en était défait