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OU LE TUEUR DE DAIMS.
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lirai-je la Bible, mon père ? Ma mère me disait toujours que la lecture de la Bible convient à ceux qui sont dans le chagrin. Elle en avait souvent elle-même, et alors elle me disait de lui lire la Bible ; — car Judith n’aimait pas la Bible autant que moi, — et cela lui faisait toujours du bien. Très-souvent j’ai vu ma mère commencer par écouter les larmes aux yeux, et finir par des sourires et de la gaieté. Oh ! mon père, vous ne savez pas tout le bien que peut faire la Bible, car vous n’en avez jamais fait l’épreuve ; mais je vais vous en lire un chapitre, et cette lecture attendrira votre cœur, comme elle a attendri celui des sauvages.

Quoique la pauvre Hetty eût tant de respect pour la Bible, et tant de confiance en sa vertu, elle avait l’intelligence trop faible pour pouvoir en apprécier les beautés, ou en pénétrer la sagesse profonde et quelquefois mystérieuse. Cet instinct du bien, qui semblait lui rendre impossible de commettre le mal, et qui jetait même sur son caractère un manteau d’amabilité morale et de vérité, ne pouvait pénétrer les vérités abstruses, ni discerner ces délicates affinités entre la cause et l’effet au-delà de leur liaison évidente et incontestable, quoiqu’elle manquât rarement de les voir, et d’en sentir toutes les justes conséquences. En un mot, c’était une de ces personnes qui sentent et qui agissent correctement, sans être en état d’en donner une raison logique, même en admettant la révélation comme leur autorité. Le choix qu’elle faisait de ses lectures de la Bible était souvent guidé par la simplicité de son esprit, et se faisait remarquer comme tombant sur des images de choses connues et palpables, plutôt que sur ces grandes vérités morales dont sont remplies les pages de ce livre merveilleux, — merveilleux et sans égal, même sans avoir égard à son origine divine, comme un ouvrage plein de la philosophie la plus profonde, exprimée dans le plus noble langage. Sa mère, par une liaison d’idées qui frappera probablement le lecteur, avait de la prédilection pour le livre de Job, et Hetty avait principalement appris à lire dans les chapitres de ce vénérable et sublime poëme, regardé aujourd’hui comme le plus ancien livre du monde. En cette occasion, la pauvre fille fut fidèle à son éducation, et elle choisit cette partie bien connue du volume sacré avec une promptitude égale à celle que montrerait un avocat pour citer ses autorités parmi les oracles de la législation. Le chapitre particulier dont elle fit choix fut celui dans lequel Job excuse son désir de la mort. Elle fut d’une voix ferme du commencement à la fin, d’un ton bas, doux et plaintif, espérant pieusement que les phrases figurées et allégoriques qui s’y trouvaient pourraient