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DEERSLAYER

— Croyez-vous cela, Judith ? Je sais qu’aux yeux de Dieu la beauté n’est une grande affaire ni dans un homme ni dans une femme ; car ma mère me l’a souvent dit quand elle pensait que je pouvais regretter de ne pas être aussi belle que vous, quoiqu’elle ne dût pas être inquiète à ce sujet, ma sœur, car je n’ai jamais été jalouse d’aucun de vos avantages sur moi ; mais enfin c’était ce qu’elle me disait. Cependant la beauté est fort agréable à voir dans un homme comme dans une femme. Je crois que si j’étais homme je regretterais le manque de beauté plus que je ne le fais étant femme, car un bel homme est bien plus agréable aux yeux qu’une belle femme.

— Pauvre enfant ! vous savez à peine ce que vous dites ou ce que vous voulez dire. La beauté dans notre sexe est quelque chose, mais dans un homme elle passe presque pour rien. Sans doute un homme doit être d’une belle taille, — mais il y en a beaucoup qui sont aussi grands que Hurry ; — il doit être actif, — je crois en connaître qui le sont davantage ; — fort, — il n’a pas à lui seul toute la force du monde ; — brave, je suis sûre que je pourrais nommer un jeune homme qui est plus brave que lui.

— Cela est étrange, Judith : je ne croyais pas qu’il existât sur la terre un homme plus beau, plus actif, plus fort et plus brave que Hurry Harry. Quant à moi, je suis sûre que je n’ai jamais vu son égal en aucune de ces qualités.

— Fort bien, fort bien, Hetty ; n’en dites pas davantage sur ce sujet ; je n’aime pas à vous entendre parler ainsi, cela ne convient ni à votre innocence, ni à votre franchise, ni à votre sincérité. Que Henry March parte ! il nous quitte ce soir, et mes regrets ne le suivront pas, si ce n’est celui qu’il ait si inutilement passé tant de temps ici.

— Ah ! Judith, c’est ce que j’ai craint depuis bien longtemps ! Et moi qui espérais tellement qu’il pourrait être mon beau-frère !

— N’y pensez plus ; et parlons à présent de notre pauvre mère et de Thomas Hutter.

— En ce cas, n’en parlez qu’en bien, ma sœur, car vous ne pouvez être tout à fait certaine que les esprits ne peuvent ni voir ni entendre. Si notre père n’était pas notre père, il a eu des bontés pour nous, et il nous a donné de la nourriture et un abri. Nous ne pouvons placer ici, au fond de ce lac, une pierre sépulcrale pour en informer tous les passants, il faut donc que nos lèvres le proclament.

— Ils s’en inquiéteront fort peu, Hetty. Mais c’est une grande