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OU LE TUEUR DE DAIMS.

ne faisons jamais que dans les grandes occasions, et je regarde cette nuit comme la plus importante de ma vie. Voulez-vous me suivre, — voir ce que j’ai à vous montrer, — et entendre ce que j’ai à vous dire ?

Deerslayer fut un peu surpris, mais il ne fit aucune objection, et tous deux furent bientôt dans la cabine du scow. Deux escabelles étaient placées à côté de la caisse, et la lampe sur une autre, et une table était préparée pour y déposer successivement les divers objets qu’on tirerait de la caisse. Tous ces arrangements avaient été faits par suite de l’impatience fébrile de Judith, qui ne pouvait souffrir aucun délai qu’il était en son pouvoir de prévenir. Tous les cadenas avaient même été ouverts et retirés, et il ne restait plus qu’à lever le pesant couvercle, et à exposer aux yeux les trésors cachés depuis si longtemps.

— Je vois en partie tout ce que cela signifie, dit Deerslayer ; oui, je le vois en partie. Mais pourquoi Hetty n’est-elle pas présente ? À présent que Thomas Hutter n’existe plus, elle est propriétaire pour moitié de toutes ces curiosités, et elle a le droit de les voir mettre au jour et manier.

— Hetty dort, répondit Judith avec précipitation. — Les belles parures et les richesses n’ont heureusement point de charmes pour elle. D’ailleurs elle m’a donné ce soir sa part de tout ce qui est contenu dans cette caisse, pour que j’en fasse ce que bon me semblera.

— La pauvre Hetty a-t-elle l’esprit dans une situation qui lui permette d’agir ainsi, Judith ? demanda le jeune chasseur avec sa droiture ordinaire. — C’est une règle de justice de ne rien accepter de ceux qui ne connaissent pas la valeur de ce qu’ils donnent ; et l’on doit agir avec ceux à qui il a plu à Dieu de n’accorder qu’une faible portion de bon sens, comme on le ferait à l’égard d’enfants n’ayant pas atteint l’âge de discrétion.

Ces mots étaient une sorte de réprimande, et, venant de Deerslayer, Judith en fut blessée ; mais elle l’eût été plus au vif si sa conscience ne l’avait assurée qu’elle n’avait aucune intention de commettre la moindre injustice envers sa sœur, faible d’esprit, mais pleine de confiance. Au surplus, ce n’était pas le moment de se livrer à sa fierté ordinaire, et le désir qu’elle éprouvait d’en venir au grand objet qu’elle avait en vue la fit triompher d’une émotion passagère.

— Aucun tort ne sera fait à Hetty, répondit-elle avec douceur ; elle sait même, non-seulement ce que je vais faire, mais pourquoi je le fais. Ainsi donc asseyez-vous, levez le couvercle de cette caisse et pour cette fois nous l’examinerons jusqu’au fond. Je serai bien