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OU LE TUEUR DE DAIMS.
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fille n’a fait naître en moi la même espèce de sentiment que vous éprouvez pour Hist, quoique je prenne intérêt à toutes, comme Dieu le sait. Cependant mon cœur, comme on le dit, n’a jamais été touché de cette manière, et par conséquent je ne puis dire ce que je ferais. Un ami tire fort, je le sais par expérience, Serpent ; mais d’après tout ce que j’ai vu et entendu dire de l’amour, je suis porté à croire qu’une fiancée tire encore plus fort.

— Très-vrai ; mais la fiancée de Chingachgook ne le tire pas vers les villages des Delawares, elle le tire vers le camp des Hurons.

— C’est une noble fille, oui, avec ses petites mains et ses petits pieds, qui ne sont pas plus gros que ceux d’un enfant, et une voix qui est aussi agréable que celle de l’oiseau moqueur ; c’est une noble fille, et elle est digne de la souche dont elle sort. Eh bien, de quoi s’agit-il, Serpent ? car je suppose qu’elle n’a pas changé d’idée, et qu’elle n’a pas envie d’aller devenir la femme d’un Huron. Qu’est-ce que vous voulez faire ?

Wah-ta !-Wah n’habitera jamais le wigwam d’un Iroquois. Elle a de petits pieds, mais ils sont en état de la porter jusqu’aux villages de son peuple. Elle a de petites mains, mais son esprit est grand. Mon frère verra ce que nous pouvons faire quand le moment en sera venu, plutôt que de le laisser périr sous les tortures des Mingos.

— Ne faites rien d’imprudent, Delaware ! Je suppose que vous voudrez faire ce qu’il vous plaira, et peut-être est-il juste que vous le fassiez, car vous ne seriez pas heureux si vous ne tentiez quelque chose ; mais point de témérité. Je croyais que vous resteriez sur le lac jusqu’à ce que mon sort soit décidé ; mais souvenez-vous-en bien, Serpent, la diablerie des Mingos peut inventer toutes les tortures que bon leur semblera ; ils peuvent m’insulter et me vilipender, m’arracher les ongles, me brûler à petit feu, m’écorcher ; rien ne me fera autant souffrir que de vous voir, vous et Hist, tomber entre les mains de l’ennemi en cherchant à faire quelque chose pour moi.

— Les Delawares sont prudents. Deerslayer ne les verra pas entrer les yeux fermés dans un camp ennemi.

Là se termina la conversation, Hetty étant venue annoncer que le déjeuner était prêt, et ils furent bientôt tous assis devant une table couverte de mets simples, suivant la coutume des frontières. Judith fut la dernière à y prendre sa place. Elle était pâle, et sa physionomie annonçait qu’elle avait passé la nuit péniblement, sinon sans dormir. À peine une syllabe fut-elle prononcée pendant