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OU LE TUEUR DE DAIMS.

— Et comment pouvez-vous savoir où j’ai été et quand j’y suis arrivé, vu que vous n’étiez pas avec nous et que la nuit était si obscure ?

— Oh ! je savais assez bien tout cela. Il y a plus d’une manière de calculer le temps et la distance. Quand l’esprit est occupé ainsi, il est plus sûr qu’aucune horloge. Le mien est faible, je le sais ; mais il ne me trompe jamais en ce qui concerne le pauvre Hurry Harry. — Judith ne l’épousera jamais, Deerslayer.

— Voilà le point où je voulais arriver, Hetty ; — oui, nous y voilà. Je suppose que vous savez qu’il est naturel aux jeunes gens d’avoir les uns pour les autres un sentiment d’affection, surtout quand il arrive que l’un est un jeune homme et l’autre une jeune fille. Or, une fille de votre âge, qui a l’esprit faible, qui n’a plus ni père ni mère, et qui vit dans une solitude qui n’est fréquentée que par des trappeurs et des chasseurs, a besoin d’être sur ses gardes contre des dangers dont elle ne se doute guère.

— Quel mal peut-il y avoir à bien penser d’un de nos semblables ? répondit Hetty avec la simplicité d’un enfant, tandis que le sang lui montait aux joues par une sorte d’instinct, quoiqu’il lui eût été impossible de dire pourquoi elle rougissait. — La Bible nous dit d’aimer nos ennemis ; pourquoi donc n’aimerions-nous pas nos amis ?

— Ah ! Hetty ! l’amour dont parlent les missionnaires n’est pas l’espèce de sentiment que je veux dire. Répondez-moi à une question, ma bonne fille : Vous croyez-vous assez d’esprit pour remplir les devoirs d’épouse et de mère ?

— Ce n’est pas une question qu’il convienne de faire à une jeune fille, Deerslayer ; et je n’y répondrai pas, répliqua Hetty du même ton qu’une mère gronderait un enfant d’avoir commis une indiscrétion. — Si vous avez quelque chose à dire sur Hurry, je vous écouterai ; mais il ne faut pas en dire de mal, car il est absent, et il n’est pas bien de mal parler des absents.

— Votre mère vous a donné tant de bonnes leçons, Hetty, que je crains pour vous moins que je ne le faisais. Cependant une jeune fille sans parents, qui n’a pas tout l’esprit qu’elle pourrait avoir, et qui n’est pas sans beauté, doit toujours courir quelque danger dans une contrée comme celle-ci. Je n’ai pas dessein de dire du mal de Hurry, qui, au total, n’est pas un méchant homme pour un homme de son métier ; mais il est bon que vous sachiez une chose : elle n’est pas très-agréable à vous dire, mais il le faut pourtant : — Hurry est éperdument amoureux de votre sœur Judith.